JO 2020 : Interview de Delphine Delrue et Thom Gicquel

Publiée par Thibault Breton le lundi 5 juillet 2021 à 12:00
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Crédit photo : Badmania / FFBaD

Forts de leur dixième place mondiale, Thom et Delphine représentent à Tokyo la meilleure chance de médaille française. A trois jours du tirage au sort, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec eux. Ils reviennent sur leur fulgurante progression, la longue préparation Olympique ainsi que sur leurs ambitions.

"Aucun match ne sera simple"


Bonjour Delphine, bonjour Thom, vous allez disputer cet été vos premiers Jeux Olympiques, que représente cette compétition à vos yeux ?

Pour moi (Thom), c'est un rêve d'enfance, je rêve d'y participer depuis que j'ai vu pour la première fois cette compétition à la télé, c'était en 2008 lors des Jeux Olympiques de Pékin. J'avoue que je ne réalise pas vraiment que je vais participer à cet immense évènement.

Comme Thom, c'est vraiment un rêve de participer aux Jeux. C'est la compétition ultime, surtout au badminton qui reste un sport amateur et assez secondaire en France. Réussir à se qualifier après plus de deux ans de qualification Olympique a été un soulagement, on est vraiment impatient d'y aller et on espère briller là-bas.

Les conditions seront particulières, comment le vivez-vous ?

Comme ce sont nos premiers Jeux Olympiques, on ne sait pas à quoi s'attendre, on n'a pas de précédente expérience dans cette compétition donc les conditions ne vont pas nous déstabiliser. Ce qui est dommage, c'est de ne pas pouvoir jouer dans une salle pleine, surtout pour cette édition au Japon où l'on pouvait s'attendre à une grosse ambiance. Dans tous les cas on va profiter à fond et cela va être une belle expérience.

A l'approche du plus grand rendez-vous sportif de votre carrière, dans quel état d'esprit êtes-vous ? Quels sont vos objectifs ?

On est actuellement en pleine préparation, ça fait trois semaines que l'on a commencé (NDLR interview menée le 14 juin). C'est une partie de la préparation très intense physiquement mais c'est bénéfique, on se sent tous les deux en forme. On va bientôt débuter les semaines plus spécifiques badminton qui vont nous servir à régler des détails de notre jeu. Pour ce qui est des objectifs, aucun match ne sera simple, on va les aborder un par un sans trop se projeter, on n'a pas d'objectif précis étant donné qu'on ne se fixe pas de limite.

Avez-vous une préparation spécifique pour cet évènement ?

Spécifique pas vraiment. Ce qui change par rapport aux autres préparations de tournois, c'est le délai. Ici, on a presque huit semaines avec des blocs de travail bien définis. Jusqu'ici, on a fait beaucoup de foncier et de musculation pour préparer nos corps à endurer la compétition et être le plus fort possible en arrivant à Tokyo. Lorsqu'on a appris que nous étions qualifiés pour les Jeux, on a pris deux semaines de vacances. C'était essentiel, ça nous a fait beaucoup de bien après plus de deux ans de qualification Olympique. C'est une période qui a été éprouvante physiquement mais surtout mentalement, être focalisé sur un objectif précis génère pas mal de stress. Cette coupure nous a permis d'attaquer la préparation dans les meilleures conditions possibles.

Aujourd'hui la préparation physique est centrale dans votre entraînement, en ressentez-vous des bénéfices ?

Oui clairement (Delphine), pendant le premier confinement on ne pouvait pas s'entraîner donc on a énormément travaillé physiquement. Que ce soit de la musculation ou du foncier. Grâce à ça, j'ai perdu du poids ce qui m'a rendue beaucoup plus mobile sur le terrain, plus forte dans mes déplacements. Ce travail physique, on le fait depuis plus d'un an, il est indispensable pour pouvoir enchaîner les matchs et pouvoir récupérer le plus rapidement possible. C'est quelque chose qui ne nous pose plus de problème et cela a été un des éléments clés de notre progression.

De mon côté je dois être capable de tenir une heure en enchainant les smashs, il fallait que je devienne plus fort, plus endurant et je le suis aujourd'hui grâce à ce travail physique. Quand on regarde des vidéos de nos matchs d'avant le confinement, c'est le jour et la nuit en termes d'intensité.


"On est capables de gagner contre les meilleurs"


Depuis début 2019, votre progression est fulgurante, comment l'expliquez-vous ?

Pendant 2-3 ans, on a stagné autour de la cinquantième place mondiale. C'est le temps qu'il nous a fallu pour assimiler ce qu'il fallait pour rentrer dans le monde senior. La transition entre le circuit junior et senior demande du temps. On avait les clés pour avancer, pour grimper au classement et quand les premiers résultats sont arrivés on a énormément gagné en confiance, pour nous, le déclic a été la victoire à l'Orléans Master en 2019, tout ce qu'on avait engrangé dans le monde senior a été mis en application sur ce tournoi.

On a toujours eu confiance en notre capacité d'atteindre le TOP 10, on n'était pas stressé à l'idée de pouvoir intégrer ce classement. On savait que ça arriverait tôt ou tard, peut-être pas si rapidement mais on n'est pas surpris de notre classement actuel. Cette confiance en nous, c'est certain que ça nous a beaucoup aidé pour passer du TOP 50 au TOP 10, maintenant on doit cultiver cette confiance pour aller encore plus haut.

Vous parlez de la transition entre le monde junior et senior, en quoi est-ce une étape difficile ?

Ce sont deux mondes à part. Déjà, il y a une exigence physique qui n'est pas la même. On n'était pas vraiment une paire forte physiquement, là-dessus, on a fait un gros travail. Il y a également un changement dans l'approche des matchs, dans le monde senior, il faut être concentré à 100% sur chaque point, le manque de concentration se paye directement. En junior, on arrivait sur le terrain sans trop de tactique, on avait confiance en notre niveau de jeu et on se reposait dessus. Dans le monde senior c'est impossible d'avoir cette approche, aujourd'hui on prépare nos matchs, on s'adapte aux adversaires, la tactique est omniprésente et obligatoire pour progresser. En fait, le monde senior force à se professionnaliser.

Comment se traduit cette implication tactique ?

La veille d'un match, on regarde toujours au moins un match de nos adversaires. Pour les grosses échéances comme les championnats d'Europe ou les Jeux Olympiques, on analyse le jeu de nos potentiels adversaires assez tôt. Après, on reste une paire qui joue beaucoup à l'instinct, on a nos automatismes, ça fait cinq ans qu'on joue ensemble, sur le terrain on n'a pas vraiment besoin de parler pour se comprendre. C'est un équilibre à trouver, on prend les informations nécessaires sans en abuser, être trop restreint dans une tactique peut nous desservir, ça peut nous faire perdre notre créativité.

A partir de quel moment les Jeux de Tokyo sont-ils devenus un objectif ? Comment jugez-vous votre première partie de saison ?

Après notre finale à l'US Open (Super 300) durant l'été 2019, c'était notre plus gros résultat jusqu'ici et on s'est dit que c'était possible de se qualifier. Donc finalement assez tôt dans la qualification Olympique.

On est très content de notre niveau de jeu. Depuis le premier confinement on a énormément travaillé, c'était important pour nous de concrétiser tous les efforts faits à l'entraînement. Mentalement ça nous a donné de la confiance surtout qu'on a réalisé une grosse performance dès le mois de janvier 2021 en faisant une demi-finale au Yonex Thailand Open (Super 1000). On ne pouvait pas rêver mieux comme entame de saison, ça nous a permis d'intégrer rapidement le TOP 10.

Percevez-vous un changement de statut auprès de vos adversaires ?

Aujourd'hui en tournoi on nous dit bonjour, ce qui n'était pas le cas avant donc on est plus considérés et on se sent plus observés oui. On l'a constaté avec les Malaisiens qui ont beaucoup plus analysé notre jeu, même dans l'envie on ressent une différence, maintenant ils jouent contre nous avec plus de détermination. Battre des TOP 5 et des TOP 10 nous a donné beaucoup de confiance, on est capables de gagner contre les meilleurs ce qui nous permet de toujours jouer à notre meilleur niveau.

Quels sont vos projets sportifs post Tokyo 2021 ?

Pour l'instant je ne sais pas si je vais reprendre le double dames, ce qui sûr c'est que je vais continuer le double mixte avec Thom pour aller gagner à Paris en 2024. Côté club, je reste à l'USEE Badminton.

Je ne pense pas reprendre le double hommes, je vais me focaliser sur le double mixte pour atteindre notre objectif qui est de remporter l'or à Paris 2024. Je reste aussi dans mon club du Red Star Mulhouse Badminton.

Merci Delphine, merci Thom pour votre disponibilité, bon courage pour les Jeux Olympiques et à bientôt.



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