MONDIAUX 2017 : Leverdez - ''Je me sens en confiance''

Publiée par Ivan Cappelli le mercredi 9 août 2017 à 11:00
Brice L.
Crédit photo : Aurélie Millauriaux

Détrôné par Lucas Corvée à l'échelon national, sorti du giron fédéral, et désormais entrepreneur, mais encore et toujours le patron naturel du simple hommes français. À 31 ans, Brice Leverdez attaque les championnats du monde de badminton 2017 avec l'appétit d'un jeune loup, mais l'expérience d'un vieux briscard. Sans changer d'un iota son discours sur ses ambitions de médaille, après une année 2017 solide à défaut d'être brillante.

''Athlète indépendant, une liberté exceptionnelle''

Cet été, tu fêtes le deuxième anniversaire de ton départ de l'INSEP. Alors, athlète indépendant, c'est comment ?

C'est vrai que la pratique est nouvelle dans le badminton, même si l'on voit de plus en plus de joueurs comme moi. La grosse nouveauté, c'est que tu dois tout faire toi-même ! C'est plus de fatigue et de temps passé, mais la liberté obtenue en contrepartie est exceptionnelle. Je suis épanoui dans mon entraînement, la gestion de ma vie, et cet équilibre, je n'aurais pas pu le trouver dans un système fédéral. En étant indépendant, tu apprends à te débrouiller seul pour trouver des partenaires. En ce moment, je suis en pleine recherche de sponsors, c'est indispensable pour continuer mon parcours.

Par exemple, le directeur de la salle de musculation à côté de chez moi m'a aidé à partir de ma 2ème année d'indépendant (2016, ndlr) en ne me faisant plus payer ses prestations, en échange d'une mention pour sa structure sur mon site officiel. Il m'aide sur ma préparation physique, la nutrition ... c'est top ! D'autres partenaires devraient s'ajouter bientôt d'ailleurs.


Tu es passé par le club de Greve, au Danemark, un chapitre qui n'a durée qu'un an seulement. Raconte-nous cette expérience ?

C'est fou, beaucoup de monde le pense, mais je ne suis jamais parti complètement au Danemark ! Je me suis toujours entraîné à Créteil avec Bertrand (Gallet, Ndlr). Je partais juste quelques jours avant les matchs de la Danish League faire quelques séances avec l'équipe de Greve.


Ta victoire face à Lee Chong Wei au Denmark Open en Octobre dernier a déclenché une onde de choc sur le badminton français: avec le recul, qu'est ce qui pour toi a fait que, sur ce match, tu as été en mesure de surpasser l'un des tous meilleurs joueurs du monde ?

C'est un tout. J'étais pourtant dans une très mauvaise passe à l'époque, avec un début d'automne horrible. Le Danish Open était mon premier tournoi après une tournée asiatique où je n'étais pas prêt, et donc pas bien sur le court. Le Danemark, j'y suis allé car j'avais déjà mon billet d'avion et 2-3 amis que je voulais croiser, mais je n'étais pas dans les meilleures dispositions. Ça m'a donné envie de profiter du moment, sans vouloir gagner à tout prix.

Finalement, être aussi relâché et bénéficier des retombées des gros entraînements accomplis pour les JO début 2016 m'a permis de retrouver un rythme de jeu qui était meilleur. D'installer un jeu qui me convenait, sans perdre d'énergie là où il ne fallait pas. Quand je suis comme ça, c'est difficile de me faire douter. C'et un état de grâce à un instant T, tu ne peux pas le reproduire à volonté à chaque tournoi.


De manière globale, tu es à l'origine des plus gros exploits du badminton français face à l'élite mondiale. Mais ces grandes performances n'ont jamais été suivies d'une dynamique durable. Est-ce parce que seuls les grands rendez-vous te transcendent ?

C'est un objectif avec Bertrand: trouver le moyen de trouver cet équilibre parfait plus souvent, garder la confiance qui me permettrait de battre les meilleurs mondiaux plus régulièrement. C'est avant tout mental. J'ai le niveau, je m'entraîne dur tout le temps, il n'y a plus que la tête qui doit suivre maintenant !

(Concernant sa difficulté à rentrer dans un tournoi ou un match mineur) Tous les joueurs ont ce syndrome, et préfèrent généralement jouer dans les grands tournois, contre les grands joueurs. Sur ces matchs présumés sans enjeu, certains y arrivent mieux que d'autres. C'est ce qui fait aussi la force d'un top mondial: être capable de jouer tout le temps à leur niveau max, même contre moins fort qu'eux. J'ai encore du mal avec ça aujourd'hui ... et ironiquement Bertrand avait le même problème durant sa carrière de joueur ! Mais ce n'est pas une excuse: je dois apprendre à le gérer.



Brice L.
Crédit photo : Badmania.fr

''Paris 2024, ça donne envie de s'accrocher !''

Ton année 2017 est pour l'instant solide: pas de grosse contre-performance, quelques coups d'éclats contre Tian Houwei ou Chou Tien Chen par exemple, mais pas de long parcours sur un tournoi: qu'est ce qui te manque pour y parvenir ?

Arriver à avoir une confiance plus forte sur un court. Me dire que je peux jouer comme contre Le Chong Wei contre tout le monde. Il faut que j'arrive à me mettre dans cet état d'esprit face à n'importe quel joueur.


Les mondiaux approchent à grand pas, ainsi que le tirage au sort (le 9 Août): quelles sont tes ambitions ? Quel serait le tirage rêvé pour toi ?

Le tirage rêvé ? Difficile à dire. Quoiqu'il arrive, je risque d'affronter une tête de série au 1er ou 2ème tour, peut-être 3ème si j'ai de la chance. Le tableau parfait, ce serait un match pas trop simple, mais tout de même assez facile au 1er tour pour se mettre en jambes, puis après n'importe quelle tête de série.


Tu n'as pas de préférence sur la tête de série à affronter ? On sait par exemple que Chen Long t'as toujours posé pas mal de problèmes ...

Non vraiment, il n'y a pas un top 10 mondial qui me plaît plus qu'un autre. Je me sens en confiance, ce n'est qu'une question de réglages. Chen Long ? Je n'ai jamais réussi à le jouer c'est vrai, mais c'est aussi parce que je l'ai toujours joué fatigué ou pas bien. J'aime bien son jeu pourtant, car il ne fait pas grand chose mais est très solide, un peu comme Son Wan Ho. Contre Lin Dan ou Lee Chong Wei, c'est différent. Plus fin, beaucoup plus attaquant: c'est beaucoup plus exigeant mentalement de les battre.


Cette année, les mondiaux se jouent à l'Emirates Arena de Glasgow, une salle que tu connais bien puisque tu y a remporté l'un de tes plus beaux titres avec le Scottish GP. Est-ce une Arena qui te plaît ? Peux-tu en tirer un avantage ?

C'est la même salle qu'au Scottish GP ? Tu me l'apprends ! C'est plutôt pas mal car j'adore cette salle, mais les conditions peuvent être très différentes en fonction de la configuration du stade ou de la météo. Lorsque j'ai gagné ce titre, j'avais aimé les conditions de jeu, donc c'est plutôt positif en tout cas.


Tu as fêté ton 31ème anniversaire en Avril dernier. Est-ce qu'il t'arrive parfois de songer à la retraite ? Tu fais notamment parler de toi pour ton activité d'entrepreneur dans le secteur de la mode: est-ce pour toi un moyen de préparer ta reconversion ?

La limite viendra soit du corps, soit des finances, si je n'arrive plus à joindre les deux bouts dans ma carrière. Si je n'ai pas de sponsor dans l'année qui arrive, ce sera compliqué de continuer. L'aspect mental joue aussi, par exemple si je décide de fonder une famille ... ce serait difficile de tout concilier. Pour l'instant, je me vois pas arrêter toutefois. Tokyo 2020, ça me tente beaucoup.


Avec une carrière à la Wacha (ancien top 10 mondial en simple hommes, qui rallongea sa carrière internationale en double hommes) ?

Ça me tente aussi en effet. Tout ça est un peu utopique, mais avec la quasi-officialisation de Paris 2024, ça donne envie de s'accrocher. Ça va dépend de mon niveau de simple, des jeunes qui arrivent derrière ... Si en 2020 j'arrive encore à battre les meilleurs mondiaux, si le corps suit, j'essaierais sûrement oui.



Brice L.
Crédit photo : Aurélie Millauriaux

''Je ne suis pas sûr de faire les France en simple en 2018''

Un joueur plus proche de la retraite que toi aujourd'hui, c'est Lee Chong Wei. Glasgow est presque sa dernière chance pour obtenir un titre mondial. Penses-tu qu'il puisse y arriver ?

Bien sûr qu'il est capable ! Il peut gagner n'importe quel tournoi, même s'il a toujours eu un peu de mal dans les grosses compétitions. Mais il a le niveau, il suffit d'une fois... Peut-être qu'il y arrivera un jour ?


Lee Chong Wei dit que le nouveau scoring l'aiderait à aller jusque Tokyo 2020. Qu'en penses-tu ?

Vu son gabarit et sa condition physique, il peut se permettre de le dire ! Le nouveau scoring ? Je déteste ce système. Je l'ai essayé quand ils ont commencé à le proposer dans les tournois test. C'est beaucoup trop rapide.


Après un règne sans partage de 8 ans sur le badminton français, cela fait plus de 2 ans que tu as perdu ta couronne nationale. Est-ce que récupérer ce titre en 2018 est encore un enjeu majeur pour toi ?

Honnêtement, ce n'est pas du tout un objectif. C'est peut-être pour ça que je ne suis pas sûr de faire les France en simple l'année prochaine d'ailleurs. Je pense que les jeunes en ont plus envie que moi aujourd'hui. Je n'ai plus la même détermination pour ce titre qu'il y a 5 ou 6 ans ... c'est difficile de se présenter sur une compétition quand tu sais que l'autre en face a plus faim que toi ! Si mon club veut absolument que je participe, je le ferais, mais sinon je me concentrerais sur le double hommes, car aller chercher ce titre-là me motive encore.


Sur la scène nationale, plusieurs jeunes prometteurs semblent promis à un brillant avenir, comme les frères Popov ou Arnaud Merkle pour ne citer qu'eux. Est-ce que tu te reconnais dans l'un d'entre eux ? Y'en a-t-il un que tu vois comme ton potentiel successeur ?

Pour l'instant, c'est dur à dire. Ils sont bien plus forts que moi au même âge ! Mais une carrière seniors, c'est totalement différent d'un jeune qui réussit chez les espoirs. Je connais bien Toma: il a une tête bien faite, et c'est un vrai guerrier, c'est un très bon point pour la suite. On aura tous à un moment des lacunes, mais s'il travaille dur pour les combler, il pourra être dans les meilleurs mondiaux un jour.

Tout est aussi une question de choix à faire, et au bon moment. Par exemple, Lui (Toma Junior Popov, ndlr) et Arnaud Merkle veulent rester s'entraîner dans les structures de leurs clubs respectifs, et je pense que c'et la bonne solution. On verra ce que l'avenir leur réservera maintenant !

L'actualité des championnats du monde de badminton 2017 ICI

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  • maxime
    Le 09/08/2017 à 11h48 (0)
    Super interview, bonne chance Brice ;)
  • Jugoki
    Le 09/08/2017 à 14h16 (0)
    Il va lui en falloir de la confiance vu son adversaire au premier tour 😂