INTERVIEW : Entre défis et réussites, les dessous d'un mandat

Publiée par Richard Catroux le jeudi 27 février 2025 à 16:50
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Crédit photo : Badmania

Plusieurs semaines après la fin de son mandat, et une pause nécessaire, Yohan Penel est revenu le temps d'une interview sur ses quatre années passées à la présidence de la Fédération Française de Badminton. Retrouvez dans ce format sa plus grande fierté, son souhait pour le futur du badminton français, mais également son plus gros échec ou le moment le plus marquant de son mandat.

" ... porter ce discours tout le long du mandat sans jamais se renier."

Bonjour Yohan Penel, comment allez-vous ?

C'est difficile à dire. D'un côté du soulagement car il y a moins de problématique à gérer mais d'un autre côté de la frustration car quand on souhaite construire l'histoire de notre sport et que ça s'arrête, il y a une part de vide donc un sentiment un peu partagé.


Quel mot vous vient le premier à l'esprit pour définir votre aventure en tant que président de la FFBaD ?

Intense, parce qu'on avait des enjeux très importants, des enjeux par rapport à toutes les opportunités autour des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Les JO ont conditionné tout le mandat, car on ne pouvait pas se rater sportivement et également parce qu'autour des Jeux il y avait beaucoup d'opportunités qui allaient se créer, dans une période où on allait énormément parler de sport et qu'il fallait qu'on soit en capacité de montrer ce qu'était le badminton dans toutes ses dimensions, de montrer que ce n'était pas un sport comme les autres, avec beaucoup d'atouts. C'était une opportunité qu'on ne connaîtra plus jamais donc forcément ça donnait une saveur très particulière à ce mandat. Il fallait également qu'on soit au soutien du comité d'organisation des JOP de Paris pour en assurer la réussite, avec beaucoup de sollicitations et on a essayé à chaque fois d'y répondre positivement. C'était donc un mandat à part, et le côté intense ressort aussi car on s'était fixé une feuille de route très ambitieuse en termes de transformation, sur un projet à huit ans soit deux mandats. On est donc forcément frustrés quand on s'arrête à mi-chemin. Mais on aura essayé, parfois contre vents et marées et en s'entêtant aussi par moment, de faire passer un maximum de réformes pour améliorer la situation du badminton en France. Il faudra voir dans le futur si ces réformes étaient nécessaires et si elles ont porté leurs fruits.


Quelle est votre plus grande fierté ?

C'est difficile d'en choisir une seule mais je dirai que c'est la cohérence dans le discours qu'on a porté, à la fois sur le haut niveau mais aussi sur la recherche de plaisir sur le terrain, la notion d'épanouissement, un aspect qui a toujours été absent des politiques fédérales précédentes. Tout le monde ne souhaite pas devenir un champion de ce sport, certains souhaitent juste s'amuser, profiter de l'instant et c'est quelque chose que l'on souhaitait mettre en avant, tout autant que la performance purement sportive. La fierté c'est donc d'avoir réussi à porter ce discours tout le long du mandat sans jamais se renier.


Et votre plus grand regret ?

Difficile de trancher là-aussi ... Le premier regret, c'est de voir que ce discours là n'est jamais arrivé jusqu'à sa cible, c'est-à-dire les clubs affiliés. Je le lis encore aujourd'hui, la FFBaD ne s'intéresse qu'au haut niveau alors qu'on a essayé de développer beaucoup d'outils, pour les structures avec des aspirations différentes et je regrette que tout ce travail n'ait pu servir la cible initiale. Et le second regret, c'est la violence psychologique de ce qu'on a vécu. Au bout de quatre ans, on se retrouve avec une grande majorité de l'équipe en place qui ne souhaite plus jouer au badminton et ne veut plus se licencier parce qu'ils sont dégoûtés de notre sport à cause de la violence des mots qui ont pu être prononcés. A aucun moment on ne donne de son temps comme bénévole pour se rendre malade.

"Le TOP 12 c'est (...) sportivement notre plus grand échec."

Parmi tous les projets et les missions portés par votre équipe, quelle est votre plus grande réussite ?

J'en ressors immédiatement deux. Notre projet était basé sur deux axes. Sur la partie de la performance sportive, la fierté c'est la construction de l'environnement autour de la performance : tout l'environnement numérique, tous les outils qui ont été créés et qui permettent aujourd'hui d'être beaucoup plus objectifs dans notre approche. Et la seconde réussite, inévitablement, c'est l'image qu'on a réussi à donner du badminton à l'extérieur, comme un vrai outil au service de l'épanouissement de tous, et pas d'une minorité. Encore aujourd'hui, j'ai des sollicitations de personnes qui veulent comprendre comment on a construit et porté ce projet.


Et à l'inverse, quel projet ressort comme un échec ?

Il y en a beaucoup malheureusement, mais je vais en ressortir deux là aussi. Sans grande surprise, le TOP 12 en fait partie. C'est le premier chantier qu'on a lancé, en février 2021, et c'est un de ceux qui n'aura jamais abouti. La formule actuelle ne ressemble pas à grand-chose, elle ne contente personne et n'est pas du tout un outil au service du développement et de la promotion de notre sport. Le TOP 12 c'est donc sportivement notre plus grand échec. Concernant le classement, je ne le considère pas comme un échec car ça va finir par aboutir. Ce ne sera pas durant notre mandat mais on a posé tous les jalons et la nouvelle équipe semble maintenir le projet. Et l'autre échec c'est la "fédération à mission", parce qu'il fallait 66% des votes favorables et on n'a eu que 58%. C'est un projet qui aurait permis de continuer de changer l'image de la FFBaD auprès de ses clubs et ça a finalement donné lieu à des propos inacceptables de la part de certains, qui en avaient fait une question personnelle plutôt que de défendre un avis contraire.Le but de cette "fédération à mission" c'était d'expliquer au 21 ème siècle ce qu'est une fédération, son rôle auprès de l'ensemble des acteurs, d'englober tout le monde et pas uniquement les 40% de compétiteurs. C'était philosophique dans un premier temps, mais ça devait déboucher sur quelque chose de très concret dans le futur, mais des personnes ont tout fait pour empêcher cela.


Quelle a été votre plus grande difficulté rencontrée durant ce mandat ?

Sans la moindre hésitation, c'est la compréhension de notre projet. Vu de l'extérieur ça paraît simple, c'est une association avec ses bénévoles et ses professionnels. Mais en réalité, c'est une centaine de bénévoles, 40 salariés de droit privé, 25 fonctionnaires d'État, 90 comités départementaux et 20 ligues. Et ce navire là on n'a jamais trouvé le mode d'emploi pour le faire fonctionner. On peut avoir le plus beau projet du monde, si on ne sait pas faire tourner la machine, ça donne quelque chose qui n'est ni efficace ni impactant. Je trouve qu'on exploite 10% du potentiel du badminton et c'est dommage car on pourrait faire beaucoup mieux.

" ... on a vécu un moment de dingue, qui quoi qu'il arrive marquera l'histoire de notre sport."

votre moment marquant ou une rencontre dont vous vous souviendrez ?

Le moment le plus marquant c'est le 2 septembre 2024 sans la moindre hésitation, avec cette soirée paralympique où on a vécu un moment de dingue, qui quoi qu'il arrive marquera l'histoire de notre sport. Les deux titres de Lucas (Mazur) et Charles (Noakes) ont mis en lumière le badminton de la plus belle des manières, à la maison devant 2,5 millions de téléspectateurs ! Et au niveau des rencontres, c'est difficile d'en isoler une seule. Il y a des présidents de club et des déplacements sur le terrain qui me marqueront toute ma vie. Si je devais malgré tout en isoler un ou deux, je pense au club de Soufflenheim avec Marc-André Lièvre ou encore celui de Jouy/Saint Prest emmené par Thierry Dumont. Ils essayent de construire quelque chose au-delà de la simple pratique du badminton et je pense que c'est l'une des solutions à beaucoup des problèmes rencontrés, que ce soit la question du bénévolat, la question sur l'affiliation des clubs non affiliés à la FFBaD. Je ressors ces deux rencontres mais il y en aurait plein d'autres à évoquer !


Une erreur, une mauvaise décision ?

Des erreurs on en a fait plein car on a voulu faire bouger les lignes et forcément ça peut engendrer des mauvaises décisions, mais la plus importante est sans doute celle prise lors du vote du budget 2022. On venait de dégager le plus gros excédent de l'histoire de la FFBaD en 2021 et on a fait le choix de ne pas économiser un seul euro en le réinvestissant intégralement dans la ressource humaine car on manquait de bras à la fédération. On fait voter un projet ambitieux, sur trois exercices, qui est approuvé à 80% des voix et notre erreur a été de se lancer trop vite dans la trajectoire d'investissement qui a conduit par la suite au plus gros déficit de la FFBaD en 2023, avec une augmentation de la licence fédérale alors que ce n'était pas l'objectif initial. L'assemblée générale de révocation est également issue de ce mauvais choix, qui a été servi sur un plateau à nos détracteurs.


Quel projet doit aboutir rapidement ?

La réforme du classement est en bonne voie, et je tiens d'ailleurs à saluer le travail effectué par le groupe de travail jusqu'à présent. Le but premier du classement c'est d'établir une hiérarchie de l'ensemble des licenciés, afin d'obtenir des niveaux de jeu le plus cohérent et équilibré possible sur l'ensemble des matchs disputés sur le territoire. A l'heure actuelle ce n'est pas tout à fait le cas et c'est pour ça qu'un nouveau classement devrait voir le jour. J'aurais aimé qu'on supprime le système de lettres, car ça donne parfois lieu à des comportements malsains, et qu'on s'en tienne uniquement à une moyenne de points. Ces catégories par lettres seront très certainement conservées, car ça aurait demandé un travail supplémentaire pour modifier les différents logiciels, ce qui aurait encore repoussé la sortie de ce nouveau classement. Le chantier sportif d'importance c'est celui-là, et on espère qu'il verra le jour à la rentrée prochaine. Et un autre projet qui me semble important, c'est l'outillage des clubs pour répondre aux besoins du public non compétiteur. On avait commencé à travailler sur un livret qui n'a pu être livré avant la fin de notre mandat malheureusement. Aujourd'hui le badminton est pensé par les compétiteurs pour les compétiteurs et aucunement pour les personnes qui veulent prendre du plaisir sans penser à gagner tous les matchs. Et j'estime que cette révolution demande une refonte de notre ingénierie, et actuellement on en est encore très loin.


Un dernier mot pour la nouvelle équipe à la tête de la FFBaD ?

C'est une équipe composée en grande majorité de personnes qui étaient opposées à nous depuis le premier jour du mandat, ont essayé de nous révoquer, ce qui est pour un bénévole l'épreuve la plus dure à subir, mais on les soutiendra malgré tout dans leur mandat. On veut qu'ils réussissent pour que nos 230 000 licenciés soient épanouis et aient envie de revenir la saison prochaine. Au-delà des médailles ou des bilans financiers, tout ce qui compte c'est le bonheur des licenciés, on les soutiendra donc mais on débattra sur les idées pour faire avancer le badminton en France.

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