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INTERVIEW : Cyrille Gombrowicz, nouveau Directeur Technique National

Publiée par Richard Catroux le vendredi 25 juillet 2025 à 15:35
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Crédit photo : Fédération Française de Badminton - Badmania

Quelques semaines après sa prise de poste, nous avons pu nous entretenir avec Cyrille Gombrowicz, le nouveau Directeur Technique National de la Fédération Française de Badminton. Nous sommes revenus avec lui sur ses missions, sa vision du badminton de haut niveau mais également sur la fidélisation de l'ensemble des licenciés.

"... voir si nous avons les capacités d'aller chercher des médailles sur les championnats du monde et les Jeux olympiques."

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m'appelle Cyrille Gombrowicz, j'ai 57 ans. J'ai pris ma première licence FFBaD il y a quelques années maintenant puisque ça remonte à 1979. Au fil des années j'ai progressé jusqu'à me retrouver aux portes de l'équipe de France avec un niveau me permettant d'être dans le TOP10 français mais sans réussir à intégrer cette équipe de France. J'ai eu l'opportunité de passer des diplômes d'entraîneur et de remplacer Stéphane Renault au poste d'entraîneur du pôle France Cadet de Châtenay-Malabry. Dans mon parcours, j'ai donc été entraîneur assistant au pôle France Cadet de Châtenay-Malabry pendant 4 ans. Je suis ensuite arrivé à l'INSEP comme entraîneur assistant Junior de 1999 à 2001 puis assistant des Seniors jusqu'en 2004 avant de prendre la responsabilité de l'équipe de France Masculine de 2004 à 2008, avec les JO de Pékin aux côtés d'Erwin Kehlhoffner notamment. Je suis ensuite retourné auprès des plus jeunes, avec le poste d'entraîneur national de l'équipe de France Jeune (2009-2013) et notamment en collaboration avec les pôles France Relève de Strasbourg et Talence qui venaient de voir le jour. Une très bonne période professionnelle qui nous a permis de remporter plusieurs médailles, avant l'ascension de la génération portée par Toma Junior Popov, Thom Gicquel, Delphine Delrue, ... Par la suite je suis passé DTN adjoint en charge de la performance puis du développement et des relations avec les territoires durant le mandat de Florent Chayet. Lors de la dernière olympiade j'avais candidaté pour être DTN mais c'est mon collègue Jérôme Careil qui a obtenu le poste donc j'en ai profité pour revenir sur le haut niveau, pour épauler le directeur de la performance Thierry Soler. La nouvelle équipe a pris les commandes de la FFBaD fin 2024, sous l'impulsion du président actuel Franck Laurent. Cette équipe n'a pas souhaité reconduire Jérôme Careil au poste de DTN, j'ai donc déposé une nouvelle candidature qui a aboutit sur une réponse positive de la part de la ministre des Sports après un long échange avec la Direction des sports, grâce à l'appui du président de la FFBaD Franck Laurent.

En quelques mots, quel est le rôle d'un Directeur Technique National au sein d'une fédération sportive ?

Il faut remonter à 1960 et la déroute de la France aux Jeux olympiques de Rome, pour que le Général de Gaulle décide d'imposer des fonctionnaires au service des fédérations, notamment dans l'encadrement des sportifs de haut niveau. Les cadres techniques interviennent par ailleurs dans quatre domaines d'action : le sport pour tous, la performance de haut niveau, la sécurisation de la pratique et la formation/professionnalisation. Le DTN se doit de conseiller la politique fédérale et de veiller à l'application des grandes orientations de la politique sportive imposée par l'État français.

Le DTN est souvent associé au haut niveau et à la performance. Vous prenez la relève de Jérôme Careil, qui est à l'origine de l'arrivée de Thierry Soler et Fernandos Rivas dans l'encadrement de l'équipe de France, avec des résultats positifs ces dernières années. Comment peut-on faire perdurer cette dynamique positive sur le très haut niveau ?

La bonne dynamique vient en partie des décisions prises par Jérôme Careil d'intégrer Thierry Soler et Fernando Rivas dans l'encadrement, dans un programme auquel j'adhère pleinement et dans lequel je souhaitais de la continuité. Je ne cesse de m'appuyer sur Thierry Soler, qui est à mon sens le directeur de la performance incontournable que l'on doit avoir pour continuer à mener la transformation qui a été initiée. Mais notre performance vient de bien au-delà, elle vient de notre structuration datant de plus de 25 ans, de la formation de nos entraîneurs, de l'engouement pour le badminton de compétition, de tous les documents techniques que l'on a pu produire et qui participent à la diffusion de la culture de la performance auprès de nos entraîneurs. Mon travail c'est d'avoir la connaissance de tous ces éléments, de toute cette histoire et d'assembler toutes les pièces de ce puzzle pour qu'il fonctionne à plein régime.

En restant sur le sujet de la performance, on a trois simples hommes dans le TOP20 mondial, un double mixte qui vient de remporter le premier Super 1000 de l'histoire du badminton français, est-ce que ça ajoute une pression supplémentaire, plus d'attentes au quotidien ?

Je dirai qu'il n'y a pas plus de pression, car plus nous aurons de résultats et de joueurs dans le TOP10 moins les attentes reposeront sur une seule paire ou un seul joueur. Les grandes nations de badminton sont présentes avec plusieurs joueurs, dans plusieurs disciplines, au sein du TOP10 mondial et c'est vers cet objectif que l'on tend, pour remporter plus de titres et de médailles. On en n'est pas encore là, on pointe le bout de notre nez sur certaines disciplines et notamment le simple hommes, avec l'objectif d'avoir au moins deux voire trois joueurs dans le TOP10. Que ce soit Alex Lanier, Toma Junior Popov ou son frère Christo, on sait qu'ils en sont capables et le fait d'avoir au moins deux joueurs dans le TOP16 mondial nous permettrait d'avoir deux représentants lors des prochains Jeux olympiques, en 2028. L'idée c'est d'avoir le plus de joueurs présents dans le TOP30-35 pour accéder aux plus gros tournois du circuit World Tour comme les Super 1000 et 750 et donc d'être régulièrement en confrontation avec les meilleurs joueurs du monde, pour se jauger et voir si nous avons les capacités d'aller chercher des médailles sur les championnats du monde et les Jeux olympiques. C'est important de gagner des très grands tournois mais ces deux compétitions restent les plus symboliques.

Vous avez pris votre poste moins d'un an après la réussite des JOP de Paris, notamment en parabadminton, et seulement quelques semaines avant le début des prochains championnats du monde disputés à Paris également, est-ce que vous avez des objectifs bien précis ?

Sans avoir d'objectifs concrets de notre côté pour cette compétition majeure, on sait que les joueurs vont s'en mettre. Il s'agit très probablement de leur unique chance de prendre part à des championnats du monde à domicile, il faudra réussir à gérer toute cette pression mais bien sûr qu'on a envie de terminer cette édition avec des médailles, et de la plus belle couleur possible. On va tout mettre en œuvre, on a pris des dispositions spéciales pour être prêt. Ce n'est pas un championnat du monde "lambda", il est à la maison donc on se mobilise tous pour être les plus performants à l'instant T. En double mixte, on a quand même avec Thom Gicquel et Delphine Delrue les vainqueurs de l'Indonesia Open, qui fait partie des quatre plus gros tournois du circuit, ce qui prouve qu'ils sont capables d'avoir le niveau de jeu suffisant pour aller chercher une médaille. Il ne faut pas oublier qu'aux JO ils passent à un point de set de se qualifier pour les quarts de finale, dans une poule relevée avec les deux paires finalistes. S'ils sont relâchés le jour J, ils auront toutes leurs chances. En simple hommes c'est également le cas. On a vu récemment qu'Alex Lanier était capable de battre beaucoup de joueurs du TOP10, Christo Popov l'a aussi fait à plusieurs reprises dernièrement, sans oublier son frère Tomi. Il est capable de très gros coups, il l'a prouvé lors de sa qualification pour les Jeux olympiques l'année dernière, en début d'année également lors des championnats d'Europe avec un très bon niveau. Avec nos trois joueurs qualifiés, on a trois chances de faire la plus belle médaille. Les autres disciplines sont un peu plus loin au classement mondial mais on espère que cette compétition sera un marqueur fort pour fortifier leur détermination et repartir à l'entraînement avec l'envie d'y croire.

"À nous de montrer que le badminton est un sport dynamique ..."

Parmi ces disciplines en retrait, il y a notamment le simple dames. Comment expliquer ce constat et que mettre en place pour redonner une dynamique ?

L'une des raisons est qu'on a beaucoup fait appel à des joueuses formées à l'étranger, avec notamment Pi Hongyan. Elle a été l'étendard des résultats français à l'international en étant réellement l'unique joueuse dans le top mondial, Brice Leverdez est arrivé un peu plus tard. Ensuite Qi Xuefei qui est en France depuis de longues années mais qui a fait son début de formation en Chine, ce qui ne participe pas à une dynamique de formation de jeunes joueuses produite par le système mis en place par la FFBaD. C'était un peu l'arbre qui cachait la forêt, on n'a peut-être pas su se poser les bonnes questions quand il le fallait. On a un projet de simple dames sur lequel on travaille activement. C'était une demande à la fois du président de la fédération mais également de l'État. On a un travail à réaliser dans un premier temps sur notre détection, sur la formation de nos entraîneurs. J'ai donc missionné Loïc Parlon sur cette thématique qui concerne les plus jeunes joueuses jusqu'aux cadettes, en intégrant le directeur de la performance (Thierry Soler) dans la boucle. En charge de la formation continue des entraîneurs, Vincent Laigle est également concerné par ce projet. En ce qui concerne nos joueuses plus âgées et déjà membres de notre pôle France, on souhaite garder notre élite actuelle si elle est capable d'atteindre un niveau de TOP50 mondial et qui sera une locomotive pour nos plus jeunes joueuses qui arriveront ensuite. Il y a également un réel travail à produire sur les modalités pédagogiques, les mesures spécifiques à prendre en compte pour l'entraînement féminin et le développement allant de la petite fille à la femme adulte en passant par l'adolescence. On se rend compte qu'il y a plusieurs thématiques majeures à aborder sur ce sujet et qu'il faudra y aller par étape.

Si on se projette à plus long terme, et notamment les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028, comment voyez-vous le badminton français à cette date ? Que ce soit au sujet du haut niveau mais également d'un point de vue plus général.

Sur le haut niveau, j'espère que nous aurons deux simples hommes de qualifiés, que notre double mixte sera compétitif et parmi les huit meilleures paires mondiales pour être dans les meilleures dispositions et envisager plus qu'une sortie de poule. J'espère également qu'on pourra avoir un qualifié au minimum dans les autres disciplines et le graal serait d'obtenir une médaille olympique. A noter qu'aux Jeux olympiques il faut jouer un match pour la troisième place et qu'une défaite en demi-finale ne suffit pas à repartir avec la médaille de bronze, ce qui ajoute une marche supplémentaire à gravir, qui n'est pas la moindre. D'un point de vue plus global, il faut continuer à surfer sur l'engouement généré par les JO de Paris. On a dépassé les 240 000 licenciés, à nous de travailler pour fidéliser ces licenciés, limiter le turn-over tout en faisant le nécessaire pour avoir la place suffisante de les accueillir. Il y a donc un chantier à mener sur les équipements, continuer à être très présent dans les salles omnisports où nous sommes en concurrence avec d'autres sports et ne pas perdre de créneaux. À nous de montrer que le badminton est un sport dynamique, présent et inciter les clubs à bien s'inscrire dans les politiques locales, en se faisant connaître au sein de sa ville comme un réel service pour les habitants. Et d'autre part, on a le chantier des salles spécifiques avec un vrai challenge. Le but étant de trouver de plus en plus de clubs qui peuvent cibler ce type d'équipement et d'avoir plusieurs grands clubs phares, pouvant accueillir et développer des modèles économiques différents. Ce sont deux pistes qui doivent nous permettre de grandir et de se rapprocher des 300 000 licenciés.

Mi-juin, la FFBaD a annoncé le départ de Fernando Rivas à l'issue des championnats du monde. Est-ce que vous vous y attendiez ?

C'était plutôt une surprise. Il a fait ce choix, il faut le respecter. Je pense qu'il est satisfait du travail accompli avec ce nouveau cap donné à la fédération. L'idée principale c'était de pouvoir sortir des process habituels proposés par les entraîneurs de badminton et de mettre en place une approche holistique de la performance, que tous les ingrédients soient pris en compte et pas uniquement l'aspect "badminton" qui prime mais que la construction de la performance du joueur comprenne aussi les aspects physiques, mentaux, sans oublier la diététique et tous les détails qui permettent d'être plus performant le jour J. On a fait en sorte que cet axe soit porté par Fernando Rivas mais surtout par Thierry Soler qui a apporté cette approche de l'utilisation de la science et des données numériques au service de la performance. L'idée c'était de construire une plateforme numérique grâce à une collection de données qu'on peut se procurer via différentes sources, et de la proposer à tous les joueurs et entraîneurs. C'est une plateforme qui est fonctionnelle, produite par Lucas Minet et Enzo Hollville à travers la plateforme "Badminton Manager". La prochaine étape visera l'appropriation, l'utilisation grandissante de cet outil par l'ensemble des entraineurs, de ceux présents à l'INSEP jusqu'aux clubs Avenir en passant par nos pôles Espoirs et Pôle France relève.

Est-ce qu'il est prévu de remplacer Fernando Rivas ?

Il va y avoir une réorganisation, je ne sais pas s'il sera remplacé poste pour poste mais la volonté c'est d'avoir quelqu'un qui soit en coordination de l'ensemble des facteurs de la performance. Il ne faut pas uniquement une approche technico-tactique mais une approche plus globale, prenant en compte tous les aspects d'une carrière d'un sportif de haut niveau. Si on prend par exemple Alex Lanier, c'est important de faire attention à l'enchaînement des tournois, la prévention des blessures, etc etc. Certes il y a des objectifs importants à très court terme, comme par exemple le World Tour Finals, mais si on enchaîne les tournois de manière inconsidérée, le risque de blessure augmente et il n'a que vingt ans. Le but c'est d'avoir une vision à long terme, de protéger son corps pour se donner les moyens de participer à ces évènements régulièrement dans les années à venir.

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