Crédit photo : Vincent Richard

Le temps d’une interview, Badmania a rencontré Anthony Chayé, étudiant en STAPS, passionné de magie et désormais champion de France parabadminton. Blessé gravement en 2016 et stoppé en pleine ascension, le Breton est revenu sur la vie après sa blessure et ses nouvelles ambitions. L’interview d’un jeune homme à la joie de vivre et au positivisme remarquables.

Anthony Chayé, le guerrier

Le nom d’Anthony Chayé ne vous dit peut-être rien, mais vous risquez de l’entendre très souvent dans les mois et les années à venir. Du haut de ses 22 ans, le Breton vient de connaître une renaissance sportive avec une entrée retentissante dans le monde du parabadminton. Très prometteur chez les jeunes, son ascension est fulgurante : il quitte sa Bretagne natale en 2014 pour rejoindre le pôle France de Strasbourg. Il participe à ses premiers Championnats de France jeunes la même année (battu au premier tour par Rémi Rossi).

Mais son potentiel est indéniable, et il ne mettra pas longtemps pour concrétiser les attentes placées en lui. Un an plus tard, en 2015 il va chercher le bronze chez les juniors. Et alors qu’il entre dans la cour des grands en faisant ses premiers pas dans un Championnat de France sénior en 2016 (à Rouen), c’est le drame. Anthony Chayé se blesse gravement au genou, le verdict est sans appel : rupture de tous les ligaments du genou avec un étirement du nerf sciatique poplité externe (qui entraîne une paralysie de son pied).

Le début du chemin de croix est lancé, mais les médecins sont catégoriques : il ne reviendra jamais à son meilleur niveau. Une annonce terrible que le jeune homme accepte. Et après plus de 18 mois de travail acharné, il revient sur les terrains pour un exploit majuscule, cette fois-ci chez les Parabad avec un premier titre de champion de France.

Crédit photo : Vincent Richard

"Le parabad, je le vois comme une deuxième chance"

Peux-tu te présenter en quelques mots pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je m'appelle Anthony, je viens de Crozon où j'ai commencé le badminton ! Je m'entraîne et je joue à Brest avec l'équipe 1 des Manchots de la Rade qui évolue en pré-nationale. Je suis actuellement en troisième année de licence STAPS parcours Management. Je fais beaucoup de BMX et un peu de magie. Et je suis depuis peu le nouveau champion de France Parabad dans la catégorie SL4 en battant Lucas Mazur (n°1 mondial).



Quand tu as intégré le pôle France de Strasbourg en 2014 (participation aux Championnats de France jeunes la même année), tu étais une des étoiles montantes du simple français, que s’est-il passé ensuite ?

Disons que c'est assez spécial, la même année, j'en avais un peu marre du bad, j'ai arrêté les entraînements au pôle France pour aller sur le pôle espoir. Ça ne m'a pas empêché de m'entraîner de façon intensive et de faire une médaille de bronze aux Championnats de France jeunes en junior. Et deux ans plus tard, en 2016, les Championnats de France Senior à la Kindarena. C’est là que je me suis fait cette fameuse blessure au genou qui n'était pas si petite que je le pensais.



La blessure, la rééducation, le retour au sport… Tu peux nous raconter comment tu as vécu ces moments difficiles ?

Au niveau de la blessure je trouvais ça drôle au début de me dire que je faisais partie des 2 ou 3 personnes sur 10000 à s'être "bousillé" les 4 ligaments du genou (les 2 latéraux et les 2 croisés). Mais quand j'ai vu que mon pied ne bougeait toujours pas au bout d’une semaine et que les médecins m'ont dit que je n'aurais plus jamais le même niveau de bad, ça m'a légèrement calmé.

Après j'ai une façon de voir les choses qui fait que je me suis dis que dans tous les cas je ne pouvais plus rien y faire et que je serais obligé de faire avec durant le reste de ma vie. En soi ce n'était pas hyper compliqué moralement puisque j'ai repris la guitare, je me suis mis à la magie pour faire passer le temps pendant que j'étais plâtré.

Et une fois la reprise du sport entamée, je n'ai jamais vraiment eu d'appréhension, j'ai toujours joué un peu à la cool, mais j'ai énormément ralenti mon temps de pratique, puisque je considérais avoir assez donné de mon temps pour ce sport... Mais maintenant les choses ont changées !



Quelles ont été tes motivations pour continuer le badminton après ta grave blessure ? Comment as-tu vécu le passage au parabad ?

Je n'ai pas eu besoin de réelle motivation, au début je voulais me prouver à moi même que je pourrai revenir à un niveau correct même si je voulais arrêter ! Le parabad, je le vois comme une deuxième chance par rapport à ma blessure. C'est une expérience très enrichissante, avec de belles rencontres dans l'ensemble et j'espère que ça débouchera sur de nouvelles choses si je passe le cap international !



Que représente ce titre de Champion de France Parabad 2019 SL4 (remporté face à Lucas Mazur, numéro un mondial, champion du monde en titre et 6 fois champion d’Europe) ?

Alors par rapport à cette question je ne sais pas trop quoi dire (rire). Déjà je ne m'attendais pas du tout à gagner puisque je ne m'étais pas entraîné depuis les vacances de Noël... Je venais surtout pour avoir l’avis d'Estelle Salager (classificatrice nationale) sur les classifications internationales. Après c'est sur que j'étais hyper content, déjà de gagner et de pouvoir partager ça avec mon meilleur pote Ronan Gueguin (ancien de l'INSEP). Et puis pour le moment je ne me projette pas énormément donc j'attends de voir ce qui se passera dans le futur proche, c'est là que tout se jouera.



La course à la qualification olympique pour Tokyo est plus que jamais relancée avec ton arrivée. Quels sont tes objectifs pour les semaines et les mois à venir ?

Alors oui il paraîtrait que je puisse flirter avec le top niveau mondial voire obtenir une médaille aux Jeux Paralympiques... J'ai cette idée dans la tête c'est certain mais j'essaie de ne pas trop y penser voir pas du tout parce que pour moi ce n'est pas la priorité actuelle. Dans un mois je pars en Turquie pour le début des qualifications aux Jeux et dans mon cas voir pour la classification internationale. Si jamais je passe c'est le jackpot et si je ne passe pas et bien je serais très déçu. Je pense que je prendrai mal le fait d'avoir gagné les France (comme si c'était un hold-up) et de ne pas passer les qualifications.

Mais ça ne m'empêchera pas de vivre et je ne déprimerai pas. J'ai encore plein de passions et de choses à vivre sans pour autant vivre dans le milieu du Parabad ! Du coup pour l'instant c'est juste des options mais encore rien de concret. J'ai néanmoins repris les entraînements à fond pour être bien préparé en Turquie (un entraînement voir 2 par jours) pour ne pas arriver en "touriste" comme sur les Championnats de France parabad - Anthony ne s’est pas entraîné tout le mois précédent la compétition -.