Crédit photo : Eurosport Player

Il y aura un avant et un après 22 Août 2017 pour le badminton français. Encore. Au terme d'un match de légende, Brice Leverdez s'adjuge une victoire de patron face au maître Lee Chong Wei (21-19, 22-24, 21-17), et signe le plus grand exploit d'un badiste tricolore dans le fabuleux écrin de l'Emirates Arena de Glasgow. Un succès plus impressionnant encore que sa première version du Denmark Open 2016, dans un duel qui aura comporté tous les ingrédients d'un scénario hollywoodien.

Objectif positive attitude !

C'était la clé de sa première victoire face à l'éternel numéro 1 mondial selon lui: lors de notre interview de Brice Leverdez au début du mois d'Août, le numéro 1 français confiait avoir juste eu "envie de profiter du moment, sans vouloir gagner à tout prix.".

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le Cristolien a mis en application ses propres préconisations !

Volontiers rieur et souriant sur le court, Brice Leverdez a rapidement affiché l'envie de se départir de l'euphorie électrique qui entourait le match l'opposant à la superstar malaisienne. Ses gestes complices envers son clan - mais jamais provocateurs envers son adversaire du jour -, son relâchement incarnaient autant de signes d'une forme au niveau exigé par le challenge.

Une anecdote résume à elle seule la volonté de dédramatiser du Français: après un premier set remporté au forceps et à la surprise générale (21-19), Leverdez se tourne vers le cameraman au moment de ranger sa bouteille dans le bac: "Vous comprenez le Français ? - "Oui" - "Qu'est ce qui est jaune et qui attend ? Jonathan !"

Imprévisible et blagueur, certes. Mais si cela suffisait à renverser un monument du badminton mondial, bien des esprits farceurs trôneraient au sommet du classement BWF. Restait à jouer, et bien. Pour finalement réaliser l'impensable.

Un bon départ primordial

En huit confrontations, Leverdez était donc parvenu une fois à dompter Lee Chong Wei (Denmark Open 2016). Sur 6 des autres matchs, le duel avait tourné à la démonstration en faveur du Malaisien, dont la revanche du All England de Mars dernier. Mais jamais les deux hommes ne s'étaient affrontés jusqu'à aujourd'hui sur une compétition majeure.

Pour le Français, prendre un bon départ était crucial. Ne pas laisser Lee Chong Wei installer son jeu, prendre confiance. Maintenir très haut le niveau de stress traditionnellement élevé en début de tournoi du Malaisien, et en profiter pour monter en puissance. C'est en atteignant ce premier objectif que le Français a livré les premiers signes de ses prédispositions à récidiver son exploit de l'automne dernier.

Après un début de set accroché, Leverdez s'envole à la pause à 11-8. En feu, appliquant son habituelle stratégie de jeu très offensive dédiée à surpasser la tactique des rouleaux compresseurs du top 5 mondial, le Français rate peu. le Malaisien manque davantage (15-10).

Puis brutalement, la machine s'enraie. Quelques fautes bêtes laisse Lee Chong Wei prendre l'ascendant. Mais au moment de conclure, le 31ème mondial se montre une premier fois le plus solide dans la tête (21-19).

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Un hawk-eye qui aurait pu tout changer

Touché mais pas coulé, Lee Chong Wei tente de se ressaisir, prend davantage de risques sur ses attaques et sur quelques feintes. Mais le bilan comptable s'aggrave. Étouffé par l'agressivité d'un Français en plein show, le Malaisien se retrouve une première fois aux portes de l'élimination, dans une atmosphère étouffante. L'équipe de France et les supporters tricolores poussent presque aussi fort que la large tribu malaisienne présente derrière le court 1 à Glasgow. Le vacarme se fait de plus en plus sourd.

Est-ce cette montée de la tension dans les travées qui crispe Brice Leverdez ? Aux portes de la victoire, il gâche son avantage de 5 points avant de parvenir à sauver deux volants de set. Puis de s'attribuer 2 premiers volants de match. Et d'encaisser un sévère coup sur la tête. 22-21 pour le Français. Lee Chong Wei flirte avec les lignes près de l'arbitre. Le volant est annoncé "out", et Leverdez pense un bref instant remporter la victoire. Mais le hawk-eye déjuge le corps arbitral. 2 points plus tard, les deux hommes tournent pour un troisième set étouffant.

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Vainqueur de la bataille des nerfs

Bien des badistes - dont Leverdez lui-même, quelques années auparavant - se seraient effondrés après un tel coup du sort. Les prémices de l'acte final amènent à pencher pour une telle conclusion. Lee Chong Wei a retrouvé son rythme et prend à la gorge un tricolore qui accuse le coup.

Et sans que personne ne l'ai vu venir, la tendance bascule à nouveau. À 15-11, Brice Leverdez ose à nouveau, prend l'attaque au filet avec succès. Et recolle soudainement jusqu'à passer une première fois devant (16-15). Gagné par la panique, Lee Chong Wei n'en reste pas moins un magicien. Sur un tweener (coup entre les jambes, dos au filet) magique, il reprend l'avantage à 17-16. Glasgow ne sait plus pour qui hurler ses encouragements tant les deux hommes semblent impossibles à départager.

Mais aujourd'hui, rien ne semblait pouvoir atteindre Brice Leverdez. Et surtout pas la pression. Un challenge validé sur une faute grossière de Lee Chong Wei le ramène à 17-17. Gardant un rythme endiablé, il pousse encore et encore le vieux lion de Penang à la faute, un point après l'autre. Réputé invincible, la superstar cède brutalement. Sur une nouvelle attaque au corps mal défendue par le triple médaillé d'argent olympique, Leverdez conclut en force au filet et tombe à genoux.

Bras ouverts vers le public, il savoure: cette fois, personne ne pourra lui enlever la saveur incroyablement douce de cette victoire. Pas de blessure côté malaisien. Pas de problème de motivation sur un championnat du monde pour lequel Lee Chong Wei avait sollicité auprès de la fédération malaisienne le retour de son coach historique, Misbun Sidek, présent sur la chaise aujourd'hui. Aujourd'hui, le natif de La-Garenne-Colombes a tout simplement été plus fort. et peut maintenant se projeter loin. À condition de bien gérer de prochaines heures cruciales.

Au deuxième tour, il affrontera le vainqueur du duel Misha Zilberman - Zvonimir Durkinjak. Un rival d'un tout autre calibre donc que son prestigieux adversaire du jour, mais qu'il faudra gérer avec précaution: le plus grand danger après un grand exploit reste la gestion de la décompression, et l'expérience du Denmark Open 2016 (Brice Leverdez avait été corrigé le lendemain par le Thaïlandais Saensomboonsuk) saura le lui rappeler.

Terminé pour le mixte français

L'état de grâce n'aura pas en revanche contaminé l'ensemble du badminton français aujourd'hui. Dans le même temps que la victoire monumentale de Brice Leverdez, Ronan Labar et Audrey Fontaine n'auront pas réussi à infliger un deuxième coup dur à la Malaisie. Les champions de France en titre de la discipline s'inclinent face à Tan/Lai, têtes de série 8 (21-18, 21-10).

Passés sur le court TV1 juste derrière le numéro de Leverdez, Bastian Kersaudy et Léa Palermo n'ont eux pas fait illusion face au couple britannique Adcock/Adcock (5 - 21-10, 21-13).

Chen Long, P.V. Sindhu, Ng Ka Long, ou encore Ahmad/Natsir: les premiers tours des mondiaux sont une formalité pour les autres têtes de série sur ces tours de chauffe. Seuls Zhang/Li (4) auront dû s'employer face Arends/Piek (21-16, 19-21, 21-17)

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