Avant Carolina Marin, la terreur du simple dames, c’était elle. Championne olympique 2012, Li Xuerui n'avait plus rien gagné en Super Series depuis plus d'un an, jusqu’au tout récent Denmark Open. La conjugaison de nombreux pépins physiques, d'une perte de confiance et d’une concurrence inouïe qui place l'autrefois intouchable reine asiatique sur la sellette pour les Jeux Olympiques de Rio. Retour sur le parcours d’une superstar qui ne redemande qu’à briller.
S’imposer comme la patronne de la CBA, mission impossible ?
On le sait, l’Empire du Milieu est une usine à champions de badminton, toutes catégories confondues. Surtout en simple dames où les Chinoises ont longtemps dominé à outrance la discipline. Si les autres fédérations n’arrivent qu’à tailler un seul diamant par décennie, la China Badminton Association (CBA), forte d’un vivier de joueuses quasi-illimité, est capable de produire 2 à 3 championnes XXL et les placer tranquillement dans le Top 5 mondial.
Raccourci osé mais réaliste : jusqu’en 2013, être la meilleure badiste de Chine c’est être la meilleure badiste de la planète. Autant dire que lorsqu’on ambitionne publiquement de « devenir la meilleure joueuse au monde » alors qu’on arrive après des légendes comme Zhang Ning ou Xie Xingfang et que les dragons Wang Yihan et Wang Xin imposent leur loi sur le circuit pendant que Wang Shixian progresse à vitesse grand V, on vous rit au nez. C’est pourtant le tour de force réalisé par Li Xuerui entre 2012 et 2013.
2012 – Montée en puissance au sommet de l’Olympe
Elle avait bien gagné quelques Open de rang Grand Prix en 2011, mais personne n’aurait pu prédire l’ascension supersonique de Li Xuerui en 2012. German Open, All England, Championnats d’Asie et India Open : c’est bien 4 compétitions d’affilée que la Chinoise a conquises avant les Jeux Olympiques de Londres, dont 2 au nez et à la barbe de celle qui deviendra sa meilleure s½ur ennemie, l’épouvantail Wang Yihan, n°1 mondiale et championne du monde en titre.
Il n’en fallait pas plus pour convaincre la CBA : c’est Li Xuerui qui ira aux Jeux avec Wang Yihan et Wang Xin au grand malheur de Wang Shixian encore trop juste. Bingo : arrive le feu d’artifice des Jeux Olympiques londoniens et les deux grandes Chinoises se promènent jusqu’au bouquet final. Surtout Li Xuerui, qui n’a concédé aucun set.
Comme prévu, c’est un match de simple féminin comme on en fait peu. Mais plus technique, plus tactique, plus rapide et plus agressive, tout ce que fait Wang Yihan, Li Xuerui le fait en mieux.
Li Xuerui gagne (à 21 ans), Li Xuerui exulte, Li Xuerui crie en lançant sa raquette mais Li Xuerui conserve une certaine retenue dans la célébration. Elle ne réalise pas qu’elle vient de s’imposer comme la patronne de la CBA, et du monde.
Sur le podium, salut militaire oblige. Car comme son homologue masculin Lin Dan, Li Xuerui a fait ses armes et joué au badminton dans les rangs de l’armée chinoise. Tant pis si Wang Yihan pleure de frustration et de déception juste à côté, Li Xuerui elle-même déclarera plus tard sans une once d’empathie "en compétition, il y a un gagnant, et un perdant".
La même année, elle rafle encore 3 Super Series (China Open, Hong Kong Open et Super Series Masters Finals). Décidément, Li Xuerui est un tyran au sang glacial, un souverain au c½ur de pierre. 2012 est une belle année, 2012 est son année. On se demande même si on n’a pas trouvé là un équivalent de Super Dan chez les solistes demoiselles.
2013 – Un rang olympique déshonoré
Et pourtant ! En 2013, la jeune championne olympique domine mais commence à s’enliser dans l’échec. En témoignent la claque infligée par la Coréenne Bae Yeon Ju au premier tour du All England, et son seul titre Super Series (Indonesia Open) en poche avant d’aborder les Championnats du monde.
À Guangzhou, ce qui devait être ses championnats du monde se transforme en véritable cauchemar : grande favorite, la monarque sanguinaire exécute une à une ses opposantes. Jusqu’à cette fameuse finale où elle abdique face à l’innocente pépite thaï de 18 ans Ratchanok Intanon, presque inconnue au bataillon.
Une véritable humiliation pour elle comme pour la CBA. Ses triomphes au China Open et aux Super Series Finals en fin d’année viendront panser les plaies mais n’excuseront pas une saison 2013 globalement décevante pour une championne de son calibre.
2014 – Li Xuerui et la fièvre des Mondiaux
En 2014, Li Xuerui reprend des couleurs, mais les résultats du meilleur atout chinois ont de quoi frustrer. Si l’héroïne de Chongqing atterrit à Copenhague pour les Championnats du monde avec 3 médailles d’or Super Series dans ses valises, ce qui inquiète, ce sont ces 3 autres finales perdues face à des Wang de plus en plus revanchardes.
Seule contre toutes aux Mondiaux danois, la protégée de Li Yongbo réécrit le même scénario que la comédie dramatique cantonaise de 2013 : la faucheuse chinoise découpe brutalement chaque malheureuse se dressant sur son chemin et signe pour une deuxième finale mondiale consécutive.
Encore une fois, Li Xuerui ne connaît pas bien son adversaire dans ce match inédit mais c’est l’heure pour elle de faire repentance et d’éloigner le spectre macabre de l’édition précédente. Quand soudain la malédiction de Lee Chong Wei et Lee Yong Dae frappe aussi Li Xuerui.
Leur cruel point commun ? Leaders, mais pas champions. Dominateurs, mais pas vainqueurs, Supérieurs, mais pas suprêmes. Tous 3 ont récolté sans compris de multiples médaillons Super Series aux scintillements dorés dans leur carrière, tous 3 règnent sur le ranking BWF, et tous 3 se sont hissés jusqu’à la finale des Mondiaux scandinaves en grand favori.
Mais tout comme ses deux collègues masculins, la dictatrice chinoise échoue au bout du suspense dans la disgrâce sur la deuxième marche du podium. Un véritable camouflet infligé par la trouble-fête Carolina Marin, de deux ans sa cadette, qui rappelle forcément le mauvais rêve de Guangzhou.
Li Xuerui, éternelle finaliste au corps meurtri
Après ce lourd revers, Li Xuerui contribue au succès de la Chine aux Jeux d’Asie par équipes d’Incheon en remportant ses 3 confrontations. Mais dans la catégorie individuelle, la double vice-championne du monde craque encore une fois d’un événement majeur, face à Wang Yihan cette fois.
Elle renoue avec la victoire au Denmark Open un mois plus tard en rendant la pareille à son bourreau d’Incheon et atteint une nouvelle fois la dernière étape d’un Super Series, à Coubertin, contre l’autre Wang, Shixian de son prénom. Elle gagne la première manche mais abandonne soudainement au deuxième set au grand dam des spectateurs venus Porte de Saint-Cloud.
On pense tout de suite au match arrangé, tant la CBA a coutume de distiller dans ses rangs des directives en opposition avec l’éthique du sport. Il s’agit en fait d’une fracture de l’os naviculaire, au niveau du pied gauche, qui l’éloignera des tapis verts jusqu’à la saison suivante.
Ceux qui voient le verre à moitié vide diront que l’ex n°1 mondiale a raté sa saison 2014 car elle n’a auréolé de jaune son hégémonie aux 3 compétitions les plus prestigieuses de l’année, à savoir All England, Championnats du monde et Jeux d’Asie. Ceux qui voient le verre à moitié plein la féliciteront pour s’être enrichie de 4 médailles d’or parmi 10 finales en autant de tournois individuels joués !
2015 – Tout va pour le pire
Victime de la success story des jeunes prodiges Ratchanok Intanon et Carolina Marin, ainsi que du guet-apens de Wang Yihan et Wang Shixian, Li Xuerui revient de blessure en 2015 sans vraiment faire peur. Son statut de Championne olympique ? Une décoration, vestige d’un temps oublié.
Outre une Sudirman Cup maitrisée et remportée avec la délégation chinoise, Li Xuerui version 2015 c’est 1 finale en Super Series (Malaysia Open), 1 finale en GP Gold (Chinese Taipei) et 1 finale aux Championnats d’Asie. L’autrefois invulnérable reine de la CBA enchaîne les pires contre-performances d’une carrière qui se fait de plus en plus terne.
Au All England d’abord, elle est balayée au deuxième tour par la montagne Sun Yu, nouvelle menace chinoise voulant elle aussi sa part du gâteau. Aux championnats du monde de Jakarta ensuite, elle est neutralisée au troisième tour par l’Indienne en forme du moment P.V Sindhu. Cette sortie précoce choque et fait couler beaucoup d’encre, surtout en Chine.
Les venins de Sung Ji Hyun et Akane Yamaguchi viennent eux aussi profiter de sa petite santé pour la mettre en quarantaine aux Super Series d’Australie, d’Indonésie et du Japon avant même les demi-finales. Wang Shixian, elle, ne lui laisse que des miettes en finale du Korea Open.
Seul son tout récent sacre au Denmark Open vient redonner une lueur d’espoir aux fans de l’ambassadrice Lining. Parviendra-t-elle à conserver cette sérénité physique et psychique pour récidiver à Coubertin et valider son ticket pour le soleil du Brésil ?
Li Xuerui en funambule pour les Jeux Olympiques de Rio
Redescendue au 6ème rang mondial, Li Xuerui ouvre la porte à des Wang, ambitieuses et tenaces, qui guettent et menacent. D’ailleurs, la double vice-championne du monde n’est plus la Première Dame de Chine au classement BWF. En deuxième position sur la liste (derrière Wang Shixian), la tenante du titre n’a plus le droit à l’erreur.
D’autant plus que ses deux échecs aux finales mondiales et sa contre-performance aux Mondiaux de Jakarta vont peser lourd dans l’arbitrage de la CBA quant aux deux évangélistes élues pour représenter l’Empire au drapeau rouge et or dans l’enfer de Rio.
Pourtant, Li Xuerui est probablement la plus précoce et la plus talentueuse des 3 grâce à un potentiel hors norme. C’est la raison pour laquelle la CBA continue – pour le moment – de la protéger au détriment de ses consoeurs Wang. Mais sera-t-elle encore apte à prêcher le badminton chinois dans la fournaise sud-américaine ?
Pour s’en convaincre, il faudra étouffer les ambitions de ses sparring-partners, calmer les ardeurs de Carolina Marin et Saina Nehwal, annihiler la montée en puissance de Sung Ji Hyun et des petites fusées japonaises Akane Yamaguchi/Nozomi Okuhara, et juguler les deux létales teenagers Ratchanok Intanon et Tai Tzu Ying.
Bonus : mais au fait, c’est qui Li Xuerui ?
Très discrète, Li Xuerui est un pur prototype de l’école chinoise dont on sait peu de choses en Occident. Il est très difficile de trouver des informations à son sujet sur les sites internet francophones et anglophones. Alors, qui se cache derrière cet épais voile de pudeur ?
Originaire de Chongqing au sud-ouest de la Chine comme notre héroïne tricolore Pi Hongyan, la petite perle orientale commence le badminton dès 7 ans et n’apprécie pas vraiment ce sport. Elle souhaite même arrêter mais ses parents – qui ont choisi pour elle – l’obligent à continuer car le badminton n’est pas un sport violent et les blessures sont rares.
Car Li Xuerui n’est pas une force de la nature et ce malgré son mètre soixante quatorze. Contrairement à ce qu’elle laisse transparaître sur les courts, Li Xuerui était dotée d’une petite constitution dans ses jeunes années. Sa forme athlétique, elle la doit à un travail de musculation et de cardio titanesque pour rattraper les joueuses chinoises du même âge.
Son modèle sportif ? Elle admet vouer une réelle admiration pour Lin Dan, comme tous les membres de l’équipe nationale de Chine d’ailleurs. Son modèle de vie par contre, c’est sa mère.
Ce qu’elle aime autant que le badminton, c’est manger et faire du shopping. Oui, Li Xuerui est extrêmement gourmande et friande de la cuisine épicée de sa province natale, le Sichuan. C’est du moins ce que ses partenaires d’entrainement s’accordent à dire.
Si elle n’avait pas été badiste professionnelle, elle aurait voulu être enseignante. D’ailleurs, si elle ne pouvait aujourd’hui plus pratiquer le badminton de haut niveau, elle créerait une école de badminton dans sa ville natale. Des informations anecdotiques certes, mais qui contrastent avec son habituelle froideur et lui donnent un visage plus humain.
Deux trophées et non des moindre manquent à son étagère, à savoir les Championnats du monde et les Jeux d’Asie individuels. Dans sa carrière, le trésor de Chongqing aura glané l’or à quasiment tous les Super Series. Seuls ceux de Corée, Singapour, Australie et France ne sont pas encore dans sa besace. Voilà pourquoi on espère voir à Coubertin la championne olympique plus en forme que jamais !
chalupit
Le 22/10/2015 Ã 14h58 (0)Vraiment bravo !
FransV
Le 22/10/2015 Ã 15h47 (0)Par contre, bon, c'est pas une dictatrice mais une championne, juste une championne.
Il n'y a pas grand chose qui transparait sur les chinois dans les divers site/forum/réseaux sociaux, en général.
Plusieurs cause, dont évidement la censure qui à lieu en Chine et le fait que bon nombre de badiste chinois sont liés de près ou de moins prés au gouvernent et doivent donc faire attention, car ils sont les emblèmes de la nation.
Il faut weibo et autres réseaux en chinois pour glaner des infos, comme celle que j'avais pu avoir via weibo sur ça blessure à Paris il y a un an, quelques heures seulement après la fin du match, alors que Coubertin sifflet et que les articles sur les supports médiat était déjà à la découpe.....
Li Xuerui est effectivement gourmande et ça peut bien évidement avoir un impacte sur son jeu, ça plus une blessure qui à tardé et d'autres pépins physique ont fait que.
J'espère qu'elle est de retour à son meilleur, dans le jeu c'est ce que j'ai vu de mieux chez les filles du simple.
Ivan Cappelli
Le 22/10/2015 Ã 16h44 (0)Fabien Cherbourg
Le 22/10/2015 Ã 20h42 (0)