Crédit photo : Badmania
"Mon objectif est de faire avancer le badminton en France"
Pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter, ainsi que votre parcours et votre lien avec le badminton français ?
Franck Laurent :
Je m'appelle Franck Laurent, j'ai commencé le badminton il y a 33 ans dans le club de Coutances (Manche) qu'on a créé avec mes frères. Je suis ensuite venu à Orléans pour le travail, où j'ai rejoins le club du CLTO (Cercle Laïque des Tourelles Orléans Badminton) en 1998. J'en suis devenu le président en 2004, fonction que j'ai occupée pendant 11 ans. En parallèle, j'ai créé le Orléans Masters, un tournoi devenu Super 300 sur le circuit BWF World Tour. J'ai également intégré le comité exécutif de la FFBaD (Fédération Française de Badminton) il y a deux ans et j'occupe le poste de trésorier général depuis un an.
Vous êtes très impliqué dans le badminton, avec notamment la gestion de l'Orléans Masters, pourquoi avoir franchi le pas de se présenter à la présidence de la FFBaD ?
F. L. :
En 2020, j'étais dans la liste de Nathalie Huet qui n'a pas souhaité se présenter pour cette élection en 2024. On a échangé après l'assemblée générale de mars 2024, je ne pensais pas me présenter tout de suite mais j'avais au fond de moi l'envie d'y aller donc j'ai ensuite constitué une liste de 24 personnes motivées et compétentes pour briguer le comité exécutif. Mon objectif est de faire avancer le badminton en France et d'aller au-delà de ce qu'on fait actuellement. On va faire le maximum pour mettre en œuvre des projets de notre programme pour rendre la place du badminton encore plus forte.
Lors de chaque élection, les listes se présentent avec des forces. Qu'est-ce qui fait la force de votre liste ?
F. L. :
Nous sommes tous issus du terrain et très expérimentés. Un tiers a déjà siégé dans un conseil exécutif de la FFBaD, que ce soit dans l'actuel mais également dans les précédents mandats, et beaucoup d'autres jouent un rôle actif majeur dans leur ligue, comité départemental et club. Cette diversité et cet engagement sont notre véritable force.
Au final, une seule liste s'est présentée, le conseil exécutif sera donc majoritairement composé de personnes issues de votre liste Ambitions Badminton. Pensez-vous que l'absence d'une réelle opposition soit un avantage ?
F. L. :
Tout d'abord j'espère que nous prendrons les bonnes décisions et ce n'est pas parce qu'il n'y aura eu qu'une liste que les décisions prises ne seront pas les bonnes. Ce qui est dommageable, c'est que le badminton français n'a pas pu profiter de ce moment démocratique. De notre côté nous avons fait le travail, en réunissant une liste compétente et motivée, mais d'autres n'ont pas réussi à aller au bout de leur démarche. Il aurait été préférable pour les votants d'avoir deux listes pour comparer des projets et des visions différentes. Ce n'est finalement pas le cas mais nous prendrons nos décisions avec réflexion et sérieux.
Un sujet revient régulièrement ces derniers mois, c'est la santé financière de la FFBad. Quel constat faites-vous de la situation actuelle et quelles pistes permettraient de redresser ces finances ?
F. L. :
Les finances de la FFBad ont été redressées en 2024, grâce aux efforts de tous, une hausse des cotisations et la réduction de certaines dépenses. Une gestion rigoureuse des finances permettra de sortir positif en 2024, ce qui n'était pas le cas en 2023. L'objectif est clair : ne pas dépenser plus que ce que nous gagnons, même avec un budget important de 11 millions d'euros. Une gestion stricte sera primordiale pour rester dans le positif à ce niveau. Il faudra dans les quatre années à venir reconstituer les fonds propres de la FFBaD.
"Si on veut changer la donne du badminton français, il va falloir penser un peu plus large"
En lien avec les finances de la FFBaD justement, il y a un projet de Maison du Badminton qui représente un budget conséquent. Est-ce que vous pensez que ce projet peut et doit rapidement voir le jour pour faire évoluer le badminton français ?
F. L. :
Pour commencer, nous avons un problème avec le siège social actuel, qui coûte de l'argent et qui sera certainement déprécié financièrement parlant dans les années à venir. On va être amené à faire des travaux, à chauffer une "passoire thermique" et c'est là que se trouve la base du problème. Il faut maintenant aller au bout du projet de nouveau siège social, et ce que l'on souhaite en faire. Nous devons d'abord évaluer les besoins exacts d'un nouveau siège social et son coût réel. Ce n'est pas tant le coût global qui compte, mais combien la fédération peut rembourser chaque année sur les quinze ou vingt prochaines années, comme pour n'importe quel prêt immobilier. Si on veut changer la donne du badminton français, il va falloir penser un peu plus large. Ce projet pourrait devenir un atout majeur en rassemblant des activités comme les formations DEJEPS ou encore les réunions du comité exécutif, chose que nous ne sommes pas capables de faire au siège social actuel, ce qui nous oblige à louer des salles et donc à augmenter les dépenses.
Le haut niveau est souvent au cœur des discussions, et notamment avec les belles performances d'Alex Lanier, des frères Popov, ou encore de la paire Gicquel/Delrue. Comment peut-on faire progresser le haut niveau, notamment féminin, sans négliger les pratiquants amateurs et loisirs ?
F. L. :
Nous y avions réussi sur le secteur masculin, avec trois joueurs dans le TOP25 mondial en simple hommes (ndlr. Alex Lanier, Toma Junior et Christo Popov). On a une réelle problématique sur le badminton féminin mais est-ce que cette problématique vient uniquement du haut-niveau ou de la filière de formation qui est à revoir dans son ensemble ? On va pouvoir travailler avec Fernando Rivas, qui est une référence mondiale à ce sujet et est salarié à temps plein de la FFBaD désormais. Il va nous proposer des solutions pour répondre à cette problématique spécifique mais il faut garder en tête que le haut-niveau n'est pas en contradiction avec la pratique loisirs. D'ailleurs, il ne s'agit pas des mêmes budgets donc ce ne sera pas un souci.
Un projet clé de la liste Ambitions badminton concerne la création d'un Conseil des Territoires. Comment fonctionnerait-il concrètement ?
F. L. :
Il faut renouveler le dialogue avec l'ensemble des territoires, c'est un élément primordial pour avancer. Le système de vote a changé depuis la dernière assemblée générale avec désormais 50% de votes réservés aux clubs, 30% aux Ligues et 20% aux comités départementaux. On ne peut pas dire à ces instances de voter une fois tous les quatre ans sans les associer à notre projet fédéral donc le Conseil des Territoires visera à renforcer le dialogue entre les clubs, Codep (Comité départementaux) et Ligues. L'idée est de créer un organe consultatif représentatif pour recueillir les avis et propositions. Nous allons constituer un groupe de travail dès janvier pour définir son fonctionnement. Il ne s'agira pas d'un conseil exécutif "bis" mais ce conseil consultatif permettra d'impliquer davantage les acteurs locaux tout au long de la mandature, avec des prérogatives spécifiques. On doit impérativement prendre le pouls de l'ensemble de ces instances pour travailler main dans la main et dans la bonne direction.
La FFBaD a récemment battu son record de licenciés, boosté notamment par les Jeux Olympiques. La volonté de la fédération reste d'accroître ce nombre de licenciés sur les prochaines années, cependant certains clubs sont déjà saturés. Quelles solutions existent pour augmenter le nombre de licenciés sans pour autant négliger les licenciés actuels ?
F. L. :
Certaines ligues sont en effet saturées, mais il reste de la place dans d'autres régions. A l'heure actuelle nous sommes plus de 222 000 licenciés, donc une augmentation de 12 000 licences prises et pour autant il y a eu très peu de création de nouveaux clubs (ndlr. 23 de plus que la saison passée). Nous devons aider les comités départementaux et Ligues à créer des clubs là où il n'y en a pas encore. A titre de comparaison, le tennis de table a environ 3000 clubs là où le badminton est à 1970. Notre liste se veut volontariste sur la création d'équipements, sur des projets à plus long terme mais il sera de notre devoir de mettre du budget dans ce projet pour transformer certains complexes en salle dédiée à la pratique du badminton, à l'instar d'autres fédérations.
" ... une gestion plus rigoureuse pour espérer redorer le blason de ce championnat"
Concernant les interclubs nationaux, et notamment le TOP 12, on constate une certaine lassitude avec des forfaits récents (Talence et Arras). Comment redynamiser cette compétition pour en faire une vraie vitrine ?
F. L. :
Depuis trois mandatures on essaye de réformer ce championnat de TOP 12, et je pense que les onze clubs actuels sont d'accord pour le faire mais ils ne sont pas d'accord sur la réforme. Il va donc falloir trouver une solution commune, chose qui ne sera pas facile et va prendre du temps. On n'est pas une ligue professionnelle mais l'écrasante majorité de ce championnat sont des athlètes professionnels et vivent du badminton. On va donc devoir passer sur une gestion plus rigoureuse pour espérer redorer le blason de ce championnat, avec un fonctionnement plus structuré. Nous allons réunir les clubs de TOP 12 et de Nationale 1 pour avancer conjointement, car il est certain que le format actuel ne pourra pas perdurer éternellement. Difficile à l'heure actuelle de dire à quoi ressemblera cette réforme, puisque les précédentes ont toutes été refusées mais on va essayer durant ce mandat de faire bouger les choses et en faire un véritable atout pour le badminton français.
La réforme du classement est un autre sujet récurrent. Une réforme est promise depuis plusieurs années, avec un budget débloqué spécifiquement à cet effet. Où en est-on ?
F. L. :
Un groupe de travail, piloté par Robin Nicollet, y réfléchit depuis un moment et le projet est maintenant bien avancé. Il travaille dessus depuis un an et demi et le travail effectué semble plutôt abouti. On va être très moteur sur cette réforme pour boucler la première étape de ce projet au premier semestre 2025. Sauf problèmes techniques, on devrait pouvoir aller assez vite sur ce sujet là. L'idée de base c'est d'être sur une phase de test du nouveau classement sur le deuxième trimestre pour une mise en fonctionnement définitive à la rentrée de septembre 2025.
Et il s'agira d'un fonctionnement type ELO, comparable aux classements dans le monde des échecs ?
F. L. :
Effectivement, ce sera un classement type ELO, avec des nuances légères. On serait sur un classement permanent et unisexe. Par exemple, si un homme a 1000 points, et une femme a également 1000 points, cela signifie qu'ils ont le même niveau réel. En leur demandant de s'affronter sur une compétition, au lancement du match, on est incapable de dire qui sera le vainqueur. Le fonctionnement actuel avec les lettres et les chiffres disparaîtra et il y aura simplement un nombre de points qui ouvre également des perspectives, comme des tournois mixtes par exemple.
Pour conclure, avez-vous un dernier message à transmettre ?
F. L. :
Nous souhaitons apporter plus de sérénité à la fédération après deux dernières années difficiles. Nous travaillerons à renforcer le dialogue avec les clubs, les comités et les ligues, notamment via le Conseil des Territoires mais également avec la création d'une Université d'été. L'objectif est de construire ensemble un avenir ambitieux pour le badminton français, dans le respect et la collaboration.
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