Crédit photo : Li-Ning international
Rio 2016, l'exception en or
Car Chen Long arrivait à Rio avec peu de certitudes, après une année 2016 des plus compliquées pour lui. Son dernier titre en date: le Danemark Open d'Octobre 2015, qui précède une véritable traversée du désert pour le joueur chinois en Super Series. Une disette toujours en cours à l'heure où ces lignes sont écrites.
Après avoir déclaré forfait pour les Internationaux de France, il est battu par Lee Chong Wei en finale du China Open puis en quarts de finale de l'open de Hong Kong. Il est également défait en demi finale des Masters Finals par Viktor Axelsen. Chen Long commence l'année 2015 comme il a terminé la précédente, ses performances en dent de scie ne lui permettant pas de faire mieux qu'une finale à l'Open de Malaisie. Il ne dépasse même pas le stade des quart de finale lors de l'Open d'Australie, dernier Super Series avant les Jeux Olympiques de Rio. Sous le feu des critiques, le quasi-ex favori pour l'or olympique plie mais ne rompt pas.
Cette méforme, combinée au fait que Lin Dan et Lee Chong Wei vivent sûrement leurs derniers Jeux éloigne l'attention médiatique de Monsieur Wang Shixian dans les mois qui précèdent Rio, malgré un statut de prétendant aux premiers rôles qui demeure incontestable. Pourtant, c'est bien le natif de Shashi qui s'impose, et ce titre symbolise bien le contraste que représente le joueur chinois: alors qu'il répond toujours présent dans les tournois majeurs, il se montre incapable d’imposer son leadership lors de la saison régulière.
Conséquence: même s'il domine son sujet lorsque cela compte le plus et à déjà 28 ans, Chen Long peine à imposer une aura similaire à ses glorieux prédécesseurs.
Depuis 2011, une irrésistible montée en puissance ...
Ce titre olympique, acquis au terme d'une année peu rassurante pour Chen Long, ne doit, malgré tout, pas être vu comme une anomalie. Il est au contraire le point culminant d'une ascension qui débute dès l'année 2011, et qui l'a lentement rapproché du graal olympique. Après des championnats du monde 2011 décevants et un tremblement de terre lorsqu'il s'incline face au Guatémaltèque Kévin Cordon, Chen Long enchaîne une série de victoires impressionnante en remportant successivement les Open de Chine, du Japon et du Danemark.
Après avoir glané une médaille de bronze aux Jeux de Londres 2012, le jeune chinois va continuer de progresser vers la place de numéro 1 mondial avec un premier titre aux All England en 2013, suivi d'une première victoire aux mondiaux l'année suivante. Lee Chong Wei lui-même est contraint de traiter le nouveau caïd de la CBA d'égal à égal.
Alors qu'il devient finalement numéro 1 mondial en décembre 2014 suite à la suspension de Lee Chong Wei pour contrôle antidopage positif aux mondiaux de Copenhague, Chen Long réussit une année 2015 flamboyante, où il remporte son troisième Open du Danemark consécutif, son deuxième All England et trois autres Super Series. Il conserve également son titre de champion du monde en ne perdant pas un set de la compétition. Rien ne semblait annoncer la tournure des événements à un an des JO.
Crédit photo : Li-Ning international
… qui ne se traduit pas aujourd'hui par une domination des super series
Ce troisième titre à l'Open du Danemark, est révélateur à la fois de la domination de Chen Long en 2015 - il est extrêmement difficile de conserver un titre lors des Super Series Premier, surtout deux fois - mais également de l'ampleur de la panne de Chen Long en Super Series.
Au delà des défaites pré-Rio 2016 évoquées précédemment, il faut ajouter le fait que Chen Long n'a quasiment pas disputé de compétition depuis cette date. En effet, il reprend la compétition à domicile deux mois et demi après son titre olympique, lors de l'Open de Chine où il s'incline à la surprise générale en finale face à Jan O. Jorgensen. Après deux nouvelles éliminations au GP Gold d'Allemagne et au All England, il déclare forfait à l'Open de Malaisie suite à une blessure au coude.
Il fait donc son retour pour les Championnats d'Asie, une des seules compétition qu'il n'a jamais remporté en échouant souvent aux portes du titre. Comme aux JO, il se hisse facilement en finale et affronte le vainqueur du match Lin Dan/Lee Chong Wei, qui tourne cette fois à l'avantage de son compatriote. Toujours aussi insubmersible dans les grandes finales, Chen Long remporte son premier titre en l'espace de sept mois.
Ce titre de Champion d'Asie est pourtant l'arbre qui cache mal la forêt : Chen Long s'est réellement désintéressé des Super Series qu'il ne remporte plus ou même qu'il ne dispute plus dans certains cas. Ce comportement n'est pas sans rappeler celui de son aîné Lin Dan, après son titre olympique à Pékin huit ans plus tôt. Celui-ci n'était pas non plus réapparu sur les terrains avant l'Open de Chine, avant de refaire une pause jusqu'au All England. La différence entre les deux joueurs de la CBA est que Lin Dan est resté le patron du circuit Super Series dès qu'il s'est remis à l'ouvre. Pour Chen Long, la tâche est plus délicate.
Depuis un an et demi, Chen Long ne parvient plus à s'imposer et son classement mondial en chute libre le prouve. Dire que le double tenant du titre a été obligé de bénéficier d'une Wild Card semble insensé, et pourtant ! Le retour à la compétition de son rival Lee Chong Wei n'est pas la seule raison qui peut expliquer ce manque de continuité.
Un grand gabarit à double tranchant
L'élément le plus frappant de cette finale des derniers JO, n'est pas le fait que Lee Chong Wei ai perdu, mais plutôt le fait de le voir ainsi désemparé devant la défense de fer de son adversaire. Ce n'est pourtant pas nouveau, Chen Long a toujours préféré défendre et fatiguer son adversaire lors de longs rallyes robotiques plutôt que de prendre l'attaque le premier. Du haut de son mètre quatre-vingt-huit, il dispose de l'amplitude nécessaire pour aller chercher la plupart des volants sans paraître souffrir.
Cependant, cette taille au dessus de la moyenne représente une épée de damoclès plus éfilée que jamais. Alors que son jeu est basé sur l'endurance, il est difficile pour lui de garder une constance de forme optimale quand les compétitions s’enchaînent. Au delà de l'usure physique, un gabarit comme le sien le rend plus fragile et pourrait accentuer les risques de blessure, à l'image d'un Viktor Axelsen souvent écarté des courts.
Encore une fois, le cas de Chen Long rappelle celui d'un de ses aînés,en l’occurrence celui de Bao Chunlai. Numéro 2 mondial en 2007, celui-ci a dû arrêter sa carrière quatre ans plus tard alors qu'il n'avait que 28 ans à cause de problèmes récurrents au genou. Plus grand et frêle que Chen Long, Bao Chunlai avait également un jeu plus agressif et exigeant que son compatriote, il a donc été confronté à des blessures plus importantes. L'évolution physique de Chen Long depuis le début de sa carrière montre que la leçon a été retenue.
Le gabarit massif de Chen Long ? Une volonté de Li Yongbo et du staff chinois de limiter les risques de blessure, quitte à perdre la vélocité si chère aux solistes de l'Empire du milieu. Mais même avec ce dispositif sur mesure, Chen Long ne peut évoluer constamment à 100%, le privant de la prestance d'un Lin Dan ou Lee Chong Wei sur une saison.
Crédit photo : Li-Ning international
Longtemps sacrifié par la CBA, toujours critiqué par le peuple
Malgré son titre de double champion de monde en titre, Chen Long a parfois dû affronter les critiques en Chine, particulièrement après la Thomas Cup 2016. Notamment en cause: la défaite de son leader de simple face à Son Wan Ho, qui a rapidement entraîné l'élimination de la Chine dès les quarts de finale. Un camouflet, pour une redite du scénario qui avait déjà eu lieu deux ans plus tôt, quand l'équipe masculine chinoise s'était inclinée en demi-finale contre le Japon.
Impérial en phase de poule, Chen Long avait fait faux bond à son équipe en perdant sèchement face au finaliste des IFB 2011 et 2013 Kenichi Tago. Malgré son succès dans les tournois individuels majeurs, Chen Long n'arrive manifestement pas à reprendre le flambeau de Lin Dan et devenir le véritable leader de son équipe nationale. Il n'est donc pas perçu dans son pays comme le « patron », celui qui va porter l'équipe comme l'a fait Lin Dan pendant tant d'années. Ce statut de instable a longtemps retardé son ascension au sein de la Chinese Badminton Association (CBA), qui favorisa longtemps un Lin Dan vieillissant au détriment des autres joueurs, Chen Long inclus.
En effet, le champion olympique en titre a parfois fait les frais de ces fameuses « consignes d'équipe », comme aux mondiaux 2013 de Guanghzou, où il est contraint de laisser Lin Dan filer en demi-finale sans combattre. L'exemple des All England 2016 est encore plus frappant : en perdant au deuxième tour contre son ami Xue Song, Chen Long laisse une voie royale à Lin Dan qui bat facilement Tian Houwei en finale, ce qui lui permet de rajouter un titre à son palmarès tout en faisant le plein de points et de confiance avant Rio.
Mais avec la rébellion de Lin Dan, parti négocier un contrat de partenariat juteux avec Yonex, et le titre olympique acquis à Rio, les choses sont progressivement en train de changer pour Chen Long. Reste à permettre davantage au drapeau de la Chine d'être hissé plus régulièrement dans la saison sur la plus haute marche du podium.
Alors, favori pour les mondiaux ?
De par sa capacité à résister à la pression et son expérience des grands rendez-vous, Chen Long semble être taillé pour ces mondiaux de badminton 2017. Son tirage au sort n'est pas le plus favorable – il pourrait rencontrer Lee Chong Wei dès les quart de finale – mais c'est bien le %alaisien qui aura le plus à perdre dans cette confrontation.
En 2013, Lin Dan avait également dû bénéficier d'une wild card pour participer aux championnats du monde, qu'il avait remporté par la suite. Invité par la BWF, Chen Long va t-il suivre l'exemple de celui qu'il considère justement comme un modèle ? Si c'est le cas, rendez-vous est donné le 27 août pour un formidable triplé du paradoxal soliste chinois.
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