MONDIAUX 2017 : L'Inde, nouvelle place forte du badminton ?

Publiée par Terence Mahé le dimanche 13 août 2017 à 11:00
Saina N.
Crédit photo : Yonex International

A l’aube des championnats du monde de Badminton 2017 à Glasgow, une nation avance ses pions sur l’échiquier international: l’Inde. Plutôt en vue lors de la première partie de saison, les protégés de la BAI (Badminton Association of India) ont notamment remporté 4 titres Super Series, signe d'une lente mais sûre maturation de la discipline au pays de Saina Nehwal. Une belle moisson seulement surpassée par ses rivaux japonais et chinois, de bon augure avant le grand rendez-vous de l’été.

L’héritage de Pullela Gopichand

Dans le panorama du badminton indien, un nom résonne comme celui d’un père fondateur : Pullela Gopichand. Joueur emblématique, il est le second badiste du pays à remporter le prestigieux All England en 2001, ainsi qu’une médaille de bronze aux Jeux du Commonwealth 1998. A la fin de sa carrière, il entame une carrière de coaching auprès de l’encadrement national indien et crée la Gopichand Badminton Academy en 2008, prêt à élever la nouvelle génération et déceler les talents de demain.

Un tournant dans l’histoire du badminton indien et de ses millions de pratiquants potentiels, qui ne demandaient qu’à éclore. Pullela Gopichand participe grandement à l’explosion d’une première pépite : une certaine Saina Nehwal. Premier prodige de la BAI, elle débute sa carrière en 2006, et marque les esprits en devenant la première championne du monde juniors du pays. Un signal fort, dans une contrée où le badminton féminin peine alors à exister.

Aujourd’hui, Nehwal comptabilise 10 titres Super Series à son actif, une médaille d’or aux Jeux du Commonwealth acquise en 2010, ainsi qu’une médaille d’argent lors des mondiaux de 2015. Néanmoins sa plus grande réussite est sa médaille de bronze acquise aux jeux Olympiques d’été de 2012 à Londres. Elle devient la première sportive indienne à décrocher un podium sur la compétition suprême toutes disciplines confondues. Elle gagne par la même occasion le statut d’icône, et devient une star bien au-delà des frontières de son sport à domicile.

Un coaching gagnant pour l’ensemble du staff indien. Le premier d’une longue liste qui tend à dangereusement s’agrandir.

Dans l’ombre de l’éphémère numéro 1 mondiale du simple dames, Kashyap Parupalli a aussi su faire parler de lui. Pas de titres Super Series en poche, mais un nombre important d’accessits qui l’amèneront alors jusqu’à la 6ème place du classement mondial. Lui devient le premier athlète indien masculin à atteindre les quarts de finales aux Jeux Olympiques de Londres en 2012. Comme Nehwal, il s’adjuge aussi l’or aux Jeux du Commonwealth, en 2014 à Glasgow. Les blessures l’empêcheront de poursuivre sur cette dynamique, mais le terreau est fertile, et les graines nombreuses à vouloir éclore.

Des talents, mais une constance difficile à maintenir

À partir de 2012, la machine indienne semble inarrêtable. Les apparitions de nouveaux talents se succèdent à un rythme effréné: Srikanth Kidambi, P.V Sindhu, B. Sai Praneeth, Ajay Jayaram, H.S Prannoy ou encore Sameer Verma … Des adversaires dangereux pour l’ensemble des athlètes du circuit mondial, capables de prouesses pourtant trop souvent éphémères. Entre 2012 et 2016, les coups d’éclat des athlètes de la BAI succèdent aux trous noirs parfois inexplicables.

Srikanth Kidambi en est l’exemple le plus flagrant. En 2014, il perce sur le circuit Super Series, s’arrêtant aux portes des finales à plusieurs reprises. Jusqu’à la récompense ultime : battre Lin Dan sur ses terres et remporter le redouté China Open. Une performance exceptionnelle, valorisée par la victoire de Saina Newhal offrant un doublé inédit aux Indiens. Le jeune joueur ne s’arrête pas sur sa lancée puisqu’au début de l’année 2015, il s’octroie le titre du Swiss Open puis l’India Open au nez et à la barbe de Viktor Axelsen à chaque fois.

Mais l’éphémère top 3 mondial s’éteint brutalement: Srikanth Kidambi disparaît des sommets en quelques mois, sortant du top 10 mondial … avant de reparaître brutalement il y a quelques semaines avec un doublé tonitruant Indonesia et Australia Open.

Pour d’autres joueurs, ces coups d’éclats durent l’espace de quelques semaines. Pour d’autres, ils ne revêtent que de la fulgurance sur un tournoi. Ajay Jayaram, oscille toujours entre la 15ème et la 30ème place du classement mondial, mais décroche pourtant une finale au Korea Open 2015 à la surprise générale. Idem pour un certain Sameer Verma, peu habitué aux tournois de niveau Super Series, mais qui atteint lui aussi la finale de l’Hong Kong Open l’année passée. Il se paie le luxe d’écarter un certain Jan O Jorgensen en demi-finale, alors que le Danois sortait d’un Open de Chine victorieux la semaine précédente.

Retenons aussi le cas de B. Sai Praneeth pour le All England 2016 , pour sa victoire presque miraculeuse sur Lee Chong Wei en deux sets. Performance sans lendemain, puisqu’il est éliminé au second tour par le Danois Hans-Kristian Vittinghus. A noter sa performance au Canada Open la même année où il triomphe vétéran Lee Hyun Il de manière sèche en finale.

À l’image du pays et de ses 1,32 milliards d’habitants, L’inde représente donc un vivier de joueurs presque sans fin. Une force et une faiblesse, tant la diversité de noms au sommet semble brider l’émergence d’un véritable patron.

PVSindhu
Crédit photo : Yonex International

Sindhu, la nouvelle star

À moins que ? Si Saina Newhal a longtemps été la seule joueuse indienne à attirer la lumière des projecteurs, elle a désormais une rivale de taille … au sens propre comme au figuré. La longiligne et très expressive Pursala Venkata Sindhu a pris du galon depuis un an, se démarquant de ses compatriotes par davantage de solidité. Jusqu’en 2016, elle n’obtient pourtant aucun titre Super Series (seulement une finale au Danemark en 2015). On évoque alors un manque d’intérêt pour la discipline de la part de cette fille de Volleyeurs.

Pourtant, aux championnats du monde 2013 et 2014, elle obtient la médaille de bronze un peu à la surprise générale, ne s'inclinant que contre la vainqueur des championnats à chaque fois (Intanon Ratchanok, puis Carolina Marin). Pourtant peu en vogue sur la scène internationale entre ces événements – la faute à une condition physique hésitante -, elle parvient à sortir le meilleur d’elle-même sur les grandes occasions. De grands moments supplantés dans la chaleur de l'olympisme brésilien: Sindhu obtient la médaille d'agent à Rio, ne passant qu'à un set du titre suprême.

Un premier trophée Super Series en poche acquis dans l’imprenable forteresse chinoise, et surtout cette médaille d’argent aux Jeux Olympiques la consacrent comme nouvelle idole locale. Son nom est à la une de tous les médias indiens, supplantant sa coéquipière déchue Saina Newhal, blessée au genou pendant 6 mois. De quoi instaurer un nouveau souffle à leur rivalité … avec un changement de rôle qui promet étincelles et émulation !



Et le double alors ?

L’expertise du badminton indien dans les disciplines du simple n’est plus à prouver. À la base de tout: un profil d’entraînement exigeant, l’encadrement national axant historiquement son travail davantage sur le physique sur la technique. Un constat qui vaudra cette saillie à la légende coréenne Park Joo-Bong, Head Coach de l’équipe nationale japonaise : « Aucune des spécialistes du simple dames indien n’est très talentueuse. Lorsque l’on parle de technique, elles sont loin d’appartenir au top 4 mondial. Saina Nehwal par exemple n’a pas de talent particulier, mais elle s’appuie énormément sur sa puissance et sur le jeu rapide. Sinhu n’est elle pas très efficace lorsqu’elle se déplace sur le court. »

La vérité sort de la bouche du maître: les joueurs indiens s’engagent surtout sur le terrain de l’endurance et de la grinta, ou de la puissance plutôt que de la maestria. Outre la création d’un terrain favorable aux blessures – autre grand problème du badminton indien – l'autre bémol majeur est que cet enseignement ne parait pas propice aux disciplines de double. Et pour cause !

À ce jour quelque soit le tableau de double, l’Inde ne dispose pas vraiment de références pour contrer les grosses maisons comme la Chine, le Japon ou le Danemark. Chez les hommes le constat est sévère : la meilleure paire, Attri/Reddy pointe à la 31ème place mondiale.

Chez les dames, Ponnappa/Reddy s’affichent au 25ème rang mondial, mais sont encore loin des meilleures. Enfin, le mixte Chopra/Reddy, placé lui à la 20ème place mondiale, tend à monter en puissance mais doit encore beaucoup prouver pour espérer prétendre aux grandes joutes mondiales.

Le chantier est énorme, mais la volonté existe de créer enfin un pôle de doubles de talent à New Dehli : la quête d’une grande performance sur une Sudirman Cup ou une Thomas & Uber Cup passe par là.



Handoyo
Crédit photo : Okezone

Mulyo Handoyo, le déclic ?

Mais le salut pourrait venir d’ailleurs côté indien. En 2017, un vent nouveau souffle pour la Gopichand Badminton Academy. En effet, l’encadrement Indien s’offre les services de l’indonésien Mulyo Handoyo, figure emblématique du coaching dans le badminton mondial. Si Taufik Hidayat est parvenu à remporter la médaille d’or en 2004 à Athènes, son ancien coach y est sans doute pour beaucoup. Disposant d’un ½il avisé et d’une expérience sans commune mesure, les joueurs de la BAI ont semble t’il été très à l’écoute des conseils de leur nouveau mentor. Son objectif principal: travailler la force mentale des joueurs, la psychologie.

Avec déjà des déclics ? En premier lieu, Srikanth Kidambi : sans performances notables depuis 2015 si ce n’est son quart de finale aux JO de Rio en 2016, il semble renaître à partir du mois d’Avril de cette année. D’abord finaliste à Singapour, il écarte sur son chemin un certain Shi Yuqi qui représente la relève chinoise en simple à l’heure actuelle. Vous connaissez la suite : 2 mois plus tard, il s’octroie le titre de l’Indonésia Open et celui de l’Australia Open sur une semaine d’intervalle. Il scalp sur son passage le Danois Jan O Jorgensen, le nouveau numéro 1 mondial Son Wan Ho et en finale la muraille chinoise Chen Long à Sydney, pour une série de 10 victoires consécutive. Nul doute que le nouveau coaching a été efficace !

Moins habitué à être sous les projecteurs, B. Sai Praneeth a lui aussi fait son entrée dans le cercle très fermé des indiens ayant gagné un titre de Super Series. Il sort victorieux à Singapour face à un certain Srikanth Kidambi après un parcours compliqué pendant le tournoi (plusieurs matchs en 3 sets arrachés dans le money-time). Son escalade ne s’arrête pas là puisqu’il gagne deux mois plus tard le Grand Prix Gold de Thaïlande, éliminant en finale le prodige indonésien Jonathan Christie dans un match intense.

Précurseur du coaching de l’indonésien, la joueuse PV. Sindhu avait déjà eu l’occasion à Rio en faire parler d’elle en s’offrant une belle médaille d’argent l’été dernier. Débloquant son compteur de titres Super Series avec le China Open, elle renforce son statut de nouvelle icône nationale en gagnant l’India Open, éliminant à tour de rôle sa rivale Sahina Newhal, la Coréenne Sung Ji Hyun et enfin la championne olympique en titre, l’explosive Carolina Marin.

N’oublions pas enfin H.S Prannoy. Moins visible sur les podiums que les joueurs précédents, il gagne toutefois en Juillet l’US open, un tournoi de catégorie Grand Prix Gold, face à son compatriote Kashyap Parupalli (de retour après de nombreux pépins physiques). Ce n’est néanmoins pas son plus gros exploit cette année. En effet, il brille en Indonésie en écartant de son chemin un certain Lee Chong Wei en deux petits sets et ensuite le solide Chen Long après un match palpitant.

Toutes ces différentes victoires et progressions sonneraient-ils comme les prémices d’un raz-de-marée indien ? Leur présence massive à Glasgow laisse planer une véritable incertitude, tant le rôle de trouble-fêtes semblent leur coller à la peau pour cette édition des mondiaux de badminton. Avec de nouveau un coup d’éclat éphémère, ou un coaching gagnant ancré dans la durée ? Rendez-vous le 27 Août pour le verdict !

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  • Fabien Cherbourg
    Le 15/08/2017 à 4h53 (0)
    Excellent article Terence, tres instructif, merci. Je l'ai trouve bien meilleur sur le fond et la forme que ton premier papier :-)