JO 2016 : Outsiders, le droit de rêver à Rio ? (1/2)

Publiée par Ivan Cappelli le mercredi 10 août 2016 à 18:05
VAxelsen
Crédit photo : Badmania.fr

Quels sont les ingrédients d’une compétition sportive réussie ? De la passion, de la fierté, du spectacle, de l’envie, du c½ur... Mille et une épices donneront goût aux Jeux Olympiques de Rio 2016 mais une seule pourra pimenter – et sublimer – le badminton lors de ces Jeux. La surprise. Alors marre de Lee Chong Wei, Lee Yong Dae, Carolina Marin, Zhao Yunlei, Yu Yang et consorts ? Lassé de ces champions qui gagnent tout, tout le temps ? Découvrez notre sélection des outsiders de Rio, pour que ces JO ne soient pas qu’un grand tournoi sportif mais deviennent un événement historique.

Ces étoiles montantes qui n’ont pas encore brillé : Viktor Axelsen (Danemark)

À seulement 22 ans, le Champion d’Europe en titre participera à ses premiers Jeux Olympiques et figurera parmi les plus jeunes badistes de la compétition. Solide membre du top 5 mondial, la montagne danoise a de son mètre quatre-vingt-quatorze fait chuter les tous les meilleurs joueurs de la planète en activité au cours des 12 derniers mois, dont les prétendants les plus sérieux au titre olympique, à l’exception de Lee Chong Wei. En perpétuelle progression et plus affûtée que jamais au regard de ses derniers résultats, la pépite d’Odense est tellement douée qu’elle fait partie de ces joueurs à la frontière entre favoris et outsiders.

Car oui, Viktor Axelsen a fait preuve d’une maturité rare dans son jeu ces derniers mois, et laisse entrevoir un potentiel encore inexploité. Oui, le n°1 européen est capable de gestes de grande classe, grâce à une maîtrise technique hors du commun. Oui, cet habile sinophone est promis à un brillant avenir. Néanmoins, le constat est lourd : jamais le génie scandinave n’a remporté l’or dans une grande compétition internationale à titre individuel chez les seniors. Avec 5 finales ratées en 2015 – 2016 (Inde deux fois, Australie, Japon, Dubai), son manque de réussite au niveau Super Series en est l’exemple le plus criant.

Éléments de comparaison les plus pertinents vis-à-vis de l’ampleur des Jeux Olympiques, ses trois participations aux Championnats du monde donnent cependant de quoi espérer pour les fans de la star nordique. Oublions l’édition 2013 et son échec au deuxième tour dû à son manque d’expérience chez les seniors. L’année suivante, dans son jardin de Copenhague, il tire profit de nombreux abandons et décroche à déjà 20 ans une médaille mondiale couleur bronze. Enfin en 2015, il abdique certes en quart de finale mais est le seul à avoir réellement fait douter l’intouchable – et futur champion – Chen Long dans la ferveur de Jakarta.

Viktor Axelsen progresse, et progresse vite. Le Danois n’est pas le plus rapide des joueurs mais sait tirer avantage de sa grande taille et de sa souplesse splendide pour prendre le volant haut, tôt et trouver des angles destructeurs. Malgré une défense limitée lors de smashs ennemis expéditifs, son allonge lui permet de couvrir la totalité du terrain sans trop d’ennuis. Adepte de fixations foudroyantes, très appliqué et patient dans son jeu, la mante religieuse danoise se plait dans les échanges longs mais sait se montrer offensive quand il le faut. Surtout, le 4ème joueur mondial effectue de manière croissante le bon geste au bon moment, au fur et à mesures que les saisons passent.

Jamais Viktor Axelsen n’a été aussi fort et si près de dynamiter la hiérarchie mondiale dans un grand rendez-vous. Alors est-ce encore trop tôt ou parviendra-t-il à forcer son talent pour éliminer ses démons et monter sur le podium ?

Nokuhara
Crédit photo : Badmania.fr

Nozomi Okuhara (Japon)

Près de 40. C’est le nombre de centimètres qui séparent la Japonaise Nozomi Okuhara du joueur précédemment cité, Viktor Axelsen. Mais du haut de ses 1,56m et de ses 21 ans, la native de la Préfecture de Nagano a déjà tout d’une grande. La prodige du pays au soleil levant n’a même rien à envier aux favoris de la compétition. Seule l’expérience des grandes compétitions pourra lui faire défaut puisqu’elle concourra également pour la première fois à des Jeux Olympiques et n’a participé à des Championnats du monde seniors qu’une seule fois dans sa vie (soldés par une défaite au deuxième round). Mais comment lui en vouloir quand on est si jeune ?

Surtout, comment s’en inquiéter quand on sait que la petite puce asiatique a déjà gagné deux des tournois les plus corsés au monde lors des 9 derniers mois ? Outre le gain du Japan Open et son ascension à la vitesse de la lumière dans le top 10 mondial en 2015, c’est bien l’enchainement de ses fulgurances à l’Open de Hong Kong (où elle faillit de justesse en finale) et de sa démonstration de force au Dubai Super Series Masters Finals qui révéla au grand jour sa virtuosité ainsi que sa capacité à neutraliser l’essentiel de la crème de la crème du badminton mondial avec une maîtrise déconcertante. Et en remportant le très glorieux All England 2016 trois mois plus tard, l’héroïne japonaise a bien fait comprendre que ni l’enjeu ni la concurrence ne lui font peur, bien au contraire.

Depuis, la petite poupée japonaise s’est faite très discrète. Incapable d’accéder aux quarts de finale des Opens de Malaisie, de Singapour et d’Australie, trop juste pour se qualifier aux demi-finales de l’Open d’Indonésie et des Championnats d’Asie, et décevante pendant l’Uber Cup ; la comète nippone a perdu de son éclat. Nul doute que la succession de ses victoires entre novembre 2015 et mars 2016 ont pesé sur sa condition physique. Car si son sourire sincère cristallise toute son insouciance et sa simplicité pour faire fondre les c½urs, c’est, par-dessus tout, son style de jeu éprouvant et atypique qui épate et séduit.

En plus de son don et de sa combativité extraordinaires, Nozomi Okuhara a fait de sa petite taille sa plus grande force puisqu’elle compense ses modestes dimensions par une vitesse de déplacement hors normes. Résultat : une fusée supersonique qu’il est quasiment impossible de mettre en retard ou en déséquilibre sur le court. Mais ses courses folles à Hong Kong, Dubai, Londres et Hyderabad pour les Championnats d’Asie par équipe ont eu un prix physique et ont logiquement affecté ses performances du deuxième trimestre 2016.

Pas d’inquiétude, l’actuelle n°6 mondiale devrait être plus que prête pour ses premiers Jeux. D’ailleurs « Nozomi » signifie « souhait » ou « espoir » en japonais. Comme si, en l’absence de Kento Momota, son patronyme faisait écho au seul espoir nippon d’une médaille en simple. Amusant non ?

Les autres étoiles montantes potentiellement médaillées :
- Kim/Kim (Corée du Sud)
- Luo/Luo (Chine)
- Chai/Hong (Chine)

Tai Tzu Ying
Crédit photo : Badmania.fr

Talentueux, imprévisibles et capables de tout : Taï Tzu Ying (Taïwan)

Le petit trésor de Taiwan, c’est elle. À 22 ans, Tai Tzu Ying rentrera pour la deuxième fois de sa prometteuse carrière dans l’arène des Jeux Olympiques. Sortie de poule en 2012 à Londres alors qu’elle venait de souffler ses 18 bougies, elle n’était pas allée plus loin que les 16èmes de finale. Mais la surdouée de Kaohsiung a fait du chemin depuis quatre ans et démontré qu’elle personnifie le talent pur comme on en voit rarement.

Japan Open en 2012, Malaysia Open en 2013, Hong Kong Open en 2014, Indonesia Open en 2016 : chaque année depuis sa majorité, la princesse de Taipei se contente d’exposer un trophée Super Series de plus dans sa vitrine. Sa plus belle performance reste encore aujourd’hui son titre aux Super Series Finals de Dubai 2014. C’est bien, mais pas suffisant. D’autant plus que Tai Tzu Ying n’a jamais vraiment excellé dans les grands moments, notamment aux Championnats du monde où elle s’est à chaque fois inclinée en quarts de finale lors de ses trois déplacements (si on oublie son WO au premier tour de l’édition 2011).

D’une précocité peu commune, son originalité réside dans son habileté extrême à cacher ses coups et à feinter. Ce qui frappe ? Son air décontracté sur le court, quel que soit son adversaire. Tout en légèreté dans ses mouvements, elle donne bien souvent l’impression de s’amuser et de prendre plaisir à jouer plus que de combattre ou travailler. Bien loin de l’académisme des joueuses chinoises, de leurs gestes millimétrés et de leur constance, la magicienne taïwanaise fonctionne à l’instinct. Elle-même avoue en interview décider au dernier moment quelle frappe exécuter et où placer le volant pour gagner le point vite et tôt.

Ce style au « feeling » est pour autant un atout à double tranchant. Son manque de rigueur et de simplicité dans les échanges génère beaucoup trop de fautes directes pour une championne de ce calibre. Par ailleurs, son déficit de combativité et de concentration lui fait rapidement prendre l’eau contre des guerrières très agressives telles que Carolina Marin et Li Xuerui. Voilà pourquoi la délicieuse Taiwanaise est capable de contre-performances inattendues et peine à dérégler les métronomes du top 5 mondial.

Ceci étant écrit, ne vous fiez pas à son huitième rang mondial. Grâce à sa singularité technique et sa sérénité mentale unique, Tai Tzu Ying reste une prétendante légitime au podium. D’ailleurs, ses dernières prestations en Malaisie, en Indonésie et à Taiwan laissent à penser que l’artiste asiatique contrôle de mieux en mieux ses excentriques coups de raquettes. Et à en juger par ses photos sur les réseaux sociaux, Tai Tzu Ying a fait le plein de confiance et sera plus que jamais affûtée physiquement pour ces JO de Rio 2016 !

JordanSusanto
Crédit photo : Badmania.fr

Praveen Jordan / Debby Susanto (Indonésie)

Depuis environ 2 ans, la PBSI (comprenez fédération indonésienne) investit et mise sur son vivier de jeunes talents pour retrouver ses lettres de noblesse au plus haut niveau. En simple homme par exemple, Ihsan Maulana Mustofa, Jonatan Christie ou Anthony Ginting sont annoncés comme les potentiels futurs Taufik Hidayat. En double mixte, c’est Praveen Jordan qui incarne cette jeunesse dorée.

En 2013, lui jouait depuis peu en indépendant sur le circuit senior, accompagné de l’illustre Vita Marissa. Debby Susanto, de 4 ans son aîné mais en pleine progression, était elle aussi partenaire d’un joueur en fin de carrière, Muhammad Rijal. L’intégration de la jeune pousse au sein de l’équipe nationale en 2014 changea la donne : immédiatement associés par l’encadrement, l’alchimie entre Jordan et Susanto se fait naturellement et leur permet de franchir un nouveau cap, celui de pouvoir rivaliser avec les maîtres de la discipline non plus au niveau Grand Prix ou GP Gold mais aussi sous les projecteurs des Super Series, dans l’ombre de leurs leaders Liliyana Natsir et Tontowi Ahmad.

Souvenez-vous porte de Saint-Cloud en 2015. Si vous étiez aux Internationaux de France de Badminton, vous n’avez pas pu passer à côté de leur fougue résonnant dans l’enceinte de Coubertin jusqu’au jour des finales. Ils manquèrent de peu la première marche du podium mais leur engagement corps et âmes dans les rallies en disait déjà long sur leurs ambitions d’outsiders. Comme tout champions en devenir, l’argent ne suffit pas. Et pour faire trembler la planète badminton, quoi de mieux que de réaliser l’exploit au Super Series le plus renommé de la saison ?

Ni Liu/Bao, ni Fischer Nielsen/Pedersen, ni même Zhang/Zhao n’ont pu étouffer la flamme Jordan/Susanto dans la Barclaycard Arena du All England 2016. Déchaînés, les Indonésiens ont bousculé l’ordre établi il y a 5 mois, et avec la manière ! La brutalité de Praveen Jordan en fond de court couplée à l’agressivité de Debby Susanto au filet peut se révéler dévastatrice. Plus impressionnant encore, le wonderboy n’est pas qu’un gros bras mais également un fin stratège à la justesse technique redoutable, comme en témoignent ses nombreux lobs et slices assassins.

Un problème subsiste. Si les imprévisibles n°5 mondiaux sont aptes à renverser les cadors du mixte dans un moment de grâce, ils sont tout aussi compétents pour sombrer contre des paires bien moins fortes sur le papier. Leurs débâcles surprises aux Masters de Malaisie et de Thaïlande, à l’Open de Malaisie, en Indonésie devant leur public ou encore à l’Open d’Australie rien que cette année en sont quelques illustrations. À cela s’ajoute leur inexpérience des grands événements : après deux défaites logiques en quarts de finale contre des paires du top 5 mondial lors des Mondiaux 2014 et 2015, les JO de Rio seront leur toute première danse olympique.

Pas favoris, les mousquetaires Praveen/Susanto fouleront néanmoins sans complexes les tapis avec leurs lames pleines d’espoir. Animés par beaucoup de talent et d’envie, les lieutenants d’Ahmad/Natsir peuvent se transcender sur une compétition. Alors selon vous, leur magnifique prestation londonienne était-elle une performance éphémère ou vont-ils encore déjouer les pronostics pour danser la samba sur le podium brésilien ?

Ces autres trublions capables de nous surprendre :
Le couple Adcock (Angleterre)
Chou Tien Chen (Taiwan)
Son Wan Ho (Corée du Sud)
Goh V Shem/Tan Wee Kiong (Malaisie)

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  • Lin_Dan
    Le 10/08/2016 à 18h28 (0)
    Bonsoir je tiens a dire que le jeune Viktor a mon sens n'est pas un outsider mais bel et bien un des favoris pour la gagne .
    Il a mon sens toute les qualités pour embêter les favoris que sont Lin Dan, Le Datuk, ou Chen Long .

    J'aurai plutôt tendance à dire que Jan O Jorgensen qui lui a beaucoup moins d'armes dans son jeu .

    Nozomi Okuhara est effectivement outsider mais a du mal ces derniers temps je ne la vois aller si loin que ça .

    En ce qui concerne le mixte indonésien Praveen/Susanto alors je dis banco après une victoire au All England et aussi après avoir battu les meilleurs paires mondiales leur confiance est au top .
    Attention a eux .
  • Luciole
    Le 10/08/2016 à 21h07 (0)
    Axelsen, favori pour une médaille oui, pour l'or non. De plus, il était meilleur l'année dernière que cette année (blessure oblige) donc vraiment à la frontière comme vous dites. Personnellement, je ne le vois pas passer Chen Long.
  • FransV
    Le 11/08/2016 à 1h12 (0)
    Praveen/Susanto, ils sont monstrueux et insouciant !!
    Le mec c'est une batterie de 1k voltes, il fatigue jamais, en plus d'un des plus gros smash du circuit.

    Zhang/Zhao devront être au top tactiquement, car physiquement ils sont en dessous.
    C'est cool, car on va être vite fixé car ils sont dans la même poule.
    Je crois bien que l'on va les rivoirs en finale.


    Chai/Hong, nonnn Chai est trop juste mentalement !!!