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"Notre année ressemble à des montagnes russes"
Bonjour Thom et Delphine, merci de vous prêter au jeu de l'interview à quelques semaines du début des Jeux olympiques. Tout d'abord, comment avez-vous vécu la période de qualification olympique, qui a débuté en mai 2023 pour se terminer en avril dernier ?
Thom : Ce n'a pas été une période simple car on n'a pas eu les résultats espérés, mais d'un autre côté on a eu très rapidement un très bon résultat, qui nous a permis de gagner beaucoup de points et d'être plus sereins pour la suite de la qualification. Un sentiment un peu mitigé car on savait qu'on avait les capacités de se qualifier, mais en même temps on ne faisait pas les résultats qu'on espérait faire. On termine bien la période de qualification donc c'est super, mais c'est vrai que notre année ressemble à des montagnes russes.
En parlant des périodes plus compliquées dans cette phase qualificative, qu'est-ce qu'il a fallu faire pour passer au-dessus de ces moments et inverser la tendance ?
Delphine : Le début de la qualification a été très compliqué car on n'avait pas un staff bien défini autour de nous suite au départ de notre entraîneur. En août on a commencé à travailler avec Kim (Nielsen), ce qui nous a permis de retrouver notre jeu petit à petit, de reprendre de la confiance et ça s'est vu sur les tournois de septembre où on a très bien joué avec une finale sur le China Open (Super 1000). Ensuite, on a eu une nouvelle période compliquée, notamment en janvier avec trois défaites dès le premier tour, mais le fait de retourner s'entraîner avec Kim pendant plusieurs semaines d'affilée nous a permis de bien revenir sur les tournois suivants.
Thom : Je pense qu'effectivement, Kim nous a beaucoup aidé mais qu'il a aussi fallu de notre côté se regarder dans une glace et arrêter de s'apitoyer sur notre sort. On s'est repris en main personnellement en se disant qu'on était responsable de notre projet, et je pense que les deux dernières années qu'on a eu nous ont permis d'avancer sur cette gestion des temps faibles, de gagner en autonomie et d'être encore plus professionnel sur ces aspects.
On entend de plus en plus parler de la préparation mentale, vous en faisiez déjà auparavant mais est-ce que c'est quelque chose que vous avez approfondi dans cette période de qualification olympique ?
Delphine : C'est vrai qu'on a pas mal travaillé avec Anaëlle (Malherbe, préparatrice mentale) sur le fait de trouver des solutions quand l'encadrement n'est pas comme on le souhaite, de définir les rôles de chacun lors des phases d'entraînement pour faire face aux différentes situations. Anaëlle nous a aussi beaucoup aidé sur les périodes de tournois pour retrouver la confiance, croire en nous.
Thom : Je pense aussi que dans le staff en place c'était une des seules personnes de confiance qu'on avait, et ça fait beaucoup de bien dans ces périodes plus compliquées.
"Il faudra être bon dans la gestion des émotions"
Comment abordez-vous cette deuxième participation aux Jeux olympiques ?
Delphine : On essaye de l'aborder différemment, de voir ce qu'on a fait de bien ou de mal lors de la préparation pour les JO de Tokyo, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs et trouver des solutions quand on fait face à une problématique. La deuxième chose, c'est qu'on n'a pas vécu les Jeux avec du public donc c'est une nouveauté pour nous cette année, en plus en France, donc il faudra réussir à gérer l'environnement dans la salle. Mais je pense que pour le moment on est plus excités que stressés.
En parlant du public justement, est-ce que le fait que la compétition se déroule en majorité devant des spectateurs français représente une force et que vous allez pouvoir profiter de ce soutien ?
Thom : C'est le but oui, c'est une force mais ça peut aussi être un piège. Il faudra être bon dans la gestion des émotions, s'appuyer sur le public mais aussi rester concentrés sur le terrain et sur ce qu'on a à faire pour ne pas être envahi par l'enjeu et la pression qu'il y aura autour. Ce sera donc à nous d'en profiter et de ne pas le subir.
Au niveau de la préparation (physique, tactique, technique, ...), est-ce que c'est une préparation différente par rapport à celle effectuée pour les Jeux de Tokyo en 2021 ?
Delphine : Avec la période Covid-19 en 2021, j'ai l'impression que la préparation était plus longue mais avec mon opération fin avril ça a forcément impacté le début de la préparation. J'ai mis environ trois semaines à revenir à un état physique correct et encore deux semaines ensuite pour retrouver des bonnes sensations sur le terrain. De mon côté, la préparation n'est pas la même mais on se sent bien avec beaucoup de travail de fond et de développement pour le moment. On va bientôt aborder une partie de la préparation avec plus de jeu, de matchs et se pencher plus sérieusement sur les aspects tactiques.
Thom : La grande différence qu'on va essayer de mettre en place, c'est d'avoir un plan plus précis. Kim ne laisse pas beaucoup de place au hasard donc on travaille beaucoup sur la tactique pour être encore plus prêt tactiquement que ce que l'on était à Tokyo.
Vous n'avez pas disputé de tournois depuis les championnats d'Europe mi-avril, vous n'avez pas peur de manquer de rythme après trois mois sans matchs officiels ?
Thom : Non, ça ne fait pas peur parce qu'on aime ces grosses périodes d'entraînement, ça nous permet de nous sentir en forme et forts à la fin de ces périodes de travail. Généralement, ça se passe plutôt bien sur les tournois qui suivent mais c'est certain qu'il va falloir faire un peu de matchs et on va avoir l'occasion d'en faire dans les prochaines semaines. Il y a les Néerlandais (Selena Piek et Robin Tabeling) qui viennent quelques jours à l'Insep, on va aussi faire des oppositions avec des paires asiatiques pour être le plus prêt possible car sur les Jeux olympiques, il n'y a pas le droit à l'erreur, il faut être à 100% dès le premier jour.
Delphine : Comme on ne pouvait pas prendre part aux tournées asiatiques et américaines, le but était de mettre en place des sessions de jeu avec des paires étrangères, surtout des paires asiatiques car c'est ce qui nous manque le plus quand on s'entraîne uniquement en France. Ils ont un jeu beaucoup plus axé sur la vitesse et on commence aussi à très bien connaître les paires européennes. Normalement, on devrait s'entraîner un peu avec les Indonésiens, les Taïwanais et les Néerlandais.
"Cette victoire fait du bien avant les JO"
Pour revenir sur les championnats d'Europe, premier titre après deux défaites en finale, comment avez-vous vécu cette médaille d'or tant attendue ?
Delphine : C'est vrai qu'on était super contents et soulagés de gagner car on avait perdu les deux dernières éditions en finale, en trois sets à chaque fois; donc ça commençait à faire beaucoup. On est arrivés sur la compétition en confiance car on avait fait de bonnes prestations juste avant aux IFB et en Espagne (ndlr, demi-finale lors du Spain Masters) donc on savait qu'on pouvait le faire. Cette victoire fait du bien avant les JO, de montrer qu'en Europe on est les meilleurs. Que ce soit Christiansen/Boje ou Tabeling/Piek, on sait qu'ils sont capables de battre des bonnes paires asiatiques sur des gros tournois donc remporter ce titre européen nous a permis de prendre un maximum de confiance en nous également.
Thom : On y a pas trop pensé pendant la compétition, mais je pense que le fait de perdre trois finales d'affilée ça aurait été dur à gérer pour la suite. On est arrivés sereins sur le tournoi, on voulait forcément être champions d'Europe mais on ne s'est pas mis de pression sur notre niveau de jeu, on voulait juste gagner et ne pas avoir des attentes trop grandes sur le niveau de jeu qu'on voulait produire.
Delphine : On s'est peut-être moins mis la pression que les années d'avant.
Est-ce que vous pourriez chacun votre tour donner un point fort de votre partenaire ?
Thom : Je pense que le point fort de Delphine c'est sa vision du jeu. Elle contrôle bien le jeu au filet parce qu'elle arrive à avoir un temps d'avance sur les adversaires et ça permet de prendre des options pour faire la différence sur la suite du point.
Delphine : Le point fort de Thom c'est sa vitesse de déplacement et sa puissance en fond de court. C'est ce qui fait qu'il est plus fort que beaucoup d'autres joueurs sur le circuit et nous permet de garder le contrôle du jeu.
Quel est l'objectif pour ces Jeux olympiques ?
Thom : Le premier objectif c'est de sortir de poules pour commencer, chose qu'on n'était pas parvenus à faire à Tokyo. Ce serait super de terminer premier ou deuxième de notre poule pour jouer les quarts de finale, ça créerait un engouement derrière nous. Et ensuite, une fois arrivés en quarts de finale, on ne veut pas s'arrêter là forcément, tout devient possible et donc le second objectif ce serait d'aller chercher la médaille. On s'est mis deux objectifs mais ça dépendra aussi du tirage au sort (ndlr, le 12 juillet) car on peut se retrouver dans une poule très compliquée avec les n°1, 5 et 6 mondiaux ou inversement avec une poule plus abordable, même si sur les JO il n'y a pas beaucoup de paires moins fortes.
Et pour finir, avez-vous déjà réfléchi à l'après-JO ?
Thom : Pour le moment, notre cerveau est programmé uniquement sur les JO de cet été. On est à 100% sur cette échéance et on aura le temps de se pencher sur la suite une fois en vacances, en août.
Delphine : On s'est quand même dit qu'on allait partir sur un projet Los Angeles 2028, mais c'est tout pour le moment. On prépare au mieux la compétition qui arrive, et on aura le temps de se poser ensuite, d'échanger aussi avec le nouveau staff qui arrive cet été.
grego523
Le 04/07/2024 à 19h12 (0)Richard Catroux
Le 04/07/2024 à 22h15 (0)Lors du départ de Baptiste Carême, ancien entraîneur des doubles, un nouvel encadrement a été mis en place avec l'Anglais Peter Jeffrey (ancien coach de Chris et Gabrielle Adcock, top5 mondial il y a une 10aine d'année) en coach principal de Thom et Delphine. Malheureusement, ça ne s'est pas passé comme prévu et le coach anglais a quitté l'encadrement très tôt, sans réelle solution de repli pour les joueurs. C'est le Danois Kim Nielsen qui a repris le flambeau, par alternance car il ne peut pas être là toutes les semaines. Il est suppléé jusqu'à maintenant par des coachs comme Mikail Popov ou Sébastien Vincent pour palier à ses absences. En théorie, un nouvel encadrement a été trouvé pour la saison prochaine et devrait être annoncé cet été.