Crédit photo : Sylvain Nalet
Momota, un roi pas comme les autres
Veni, vidi, vici. Momota est (re)venu, a pris la température du circuit, et a vaincu. Il était attendu un peu plus tôt, dès 2016, pour offrir un nouvel ordre mondial ? Ce n'était que partie remise. Suspendu pendant un peu plus d'un an pour avoir fréquenté des casinos illégaux au Japon, le Nippon, à 23 ans, succède à Viktor Axelsen, sans aucun vis-à -vis sur le toit du monde.
À Nanjing, seul Anders Antonsen, en huitièmes de finale, aura mis en péril le sacre annoncé de Kento Momota. Si Shi Yuqi peut terrasser un quintuple champion du monde – Lin Dan – et le champion olympique en titre – Chen Long – très (trop ?) facilement, il ne peut en revanche tenir la cadence infernal que requiert Kento Momota pour être battu. 78 victoires en 81 matchs depuis son retour : il faut dire que le Japonais ne laisse que des miettes.
Ce qu'il a laissé, ce dimanche, c'est le loisir à Shi Yuqi de prendre l'offensive et de se mettre à la faute aussi bien que dans le rouge, très tôt. À la lutte pendant la moitié du premier set à peine (8-11), le Chinois s'est rapidement heurté à un mur sans failles (11-21). Dans la continuité, sans surprises, Momota s'est régalé d'un Shi Yuqi battu d'avance (21-11, 21-13). Dans une discipline à la hiérarchie fragmentée ces derniers temps, le Japonais, tout juste de retour, est désormais nouveau roi. Premier champion du monde japonais en simple hommes, il est même destiné à régner pendant un petit moment...
Crédit photo : Sylvain Nalet
Au milieu du duel sino-japonais, Marin écrit l'histoire
Si Nanjing n'a pas eu droit à un Lee Chong Wei – Lin Dan, il aura été spectateur privilégié d'un Carolina Marin – P.V. Sindhu qui n'est pas sans rappeler, sur quelques points, ce duel au long cours entre le Chinois et le Malaisien. Marin, dans le bon rôle, imite Lin Dan : avec trois titres de championne du monde autour du cou, l'Ibère est au-dessus de toutes les autres. Sindhu, quant à elle, suit les traces du Malaisien : parée d'argent à Rio en 2016, puis à Glasgow l'an passé, l'Indienne ne sait toujours pas gagner.
L'Espagnole, elle, a toujours su. Championne olympique à Rio, Marin, très peu en vue sur le circuit depuis, hormis un titre au Japan Open en 2017 et deux nouveaux titres européens (2017, 2018), n'en reste pas moins une formidable gagnante. Alors, au moment d'écrire l'histoire, elle est sortie de sa tanière. Impériale toute la semaine, le remake de la finale des JO, face à P.V. Sindhu, aura tourné court. Trop court.
Le temps que Carolina Marin prenne ses repères et s'ajuste, et voilà que c'en était (presque) déjà terminé. En laissant la totale initiative à son adversaire, l'Indienne aura tiré profit de la mise en route tardive de la numéro 4 mondiale (15-11). Une fois revenue au contact, l'Espagnole, plus forte, faisait logiquement la différence (21-19). Que l'on se fie à l'attitude de P.V. Sindhu sur le court ou au désarroi sur le visage de Pullela Gopichand, le mal semblait d'ores et déjà fait, et ce avant même quelconque réaction d’orgueil.
Dépassée, Sindhu laissera Marin s'envoler, sereinement, tranquillement, vers un nouveau sacre historique. Supérieure dans tous les compartiments du jeu, la protégée de Fernando Rivas frappait un grand coup, encore (21-19, 21-10). Et si l'attitude de l'Espagnole fera toujours débat – à l'image de cette passe d'armes avec l'arbitre tout au long du match – nul ne pourra contester l'idée qu'aujourd'hui, Carolina Marin rentre définitivement, si ce n'était le cas jusqu'ici, dans le cercle des meilleures joueuses de l'histoire de sa discipline. La meilleure ? C'est un autre débat.
Li/Liu sauvent l'honneur chinois
À Nanjing, fini la plus longue hégémonie chinoise de l'histoire : si l'Empire du Milieu avait chasse gardée pendant 20 longues années sur le double dames, l'outrageuse domination japonaise ces derniers temps sur la discipline aura offert une superbe mise en bouche de cette journée de finales. 1h35 d'un incroyable combat où, pourtant plus séduisantes dans le jeu, l'on aura rarement cru à la surprise Matsumoto/Nagahara. D'abord distancées sur le fil (19-21), on croyait pour perdues les numéros neuf mondiales, devant tout au long du second set jusqu'à 17-17, puis soudainement rattrapées par l'enjeu. Mais Fukushima/Hirota, finalistes à Glasgow l'an passé puis lors du dernier All England, avaient elles aussi les épaules encore un peu fragiles (21-19, 19-21).
De là à laisser échapper un avantage de cinq points (18-13) en fin de troisième manche, ou encore de gâcher deux opportunités de conclure (20-18), le scénario semblait rocambolesque. Et pourtant, ce sont bien Mayu Matsumoto et Wakana Nagahara, premiers Championnats du Monde au compteur, à toutes deux 22 ans, qui faisaient l'ultime décision (19-21, 21-19, 22-20). Dévastées, Yuki Fukushima et Sayaka Hirota laissaient leurs compatriotes succéder à Etsuko Toganoo et Emiko Ueno, premières et dernières championnes du monde japonaises, il y a de cela 41 ans.
Sans Ahmad/Natsir, l'occasion d'un triomphe chinois à domicile était trop belle pour être manquée par la CBA. Mieux : Zheng/Huang [1] et Wang/Huang [2] s'étaient démenés toute la semaine pour s'offrir une finale entre compatriotes. Finaliste l'an dernier avec Chen Qingchen, Zheng Siwei, 21 ans, aura pallié la fébrilité en fin de seconde manche d'une Huang Yaqiong pas au mieux. Quoique
intéressants par séquences, Wang/Huang, auront eux laissé apparaître quelques failles irrémédiables tout au long du match. Mises bout à bout, elles auront permis, comme lors des quatre précédentes confrontations, à Zheng/Huang d'opérer la différence (21-17, 21-19).
Gideon/Sukamuljo exit dès les quarts, l'aubaine était trop grande, aussi, pour un sacre local en double hommes. Derniers protagonistes de la journée, Li/Liu et Kamura/Sonoda offraient un succulent baisser de rideau. Menés 16-19 dans la deuxième manche après un premier set maîtrisé, les Chinois, toute une salle derrière eux, alignaient cinq points consécutifs pour s'offrir, cinq ans après leur titre chez les juniors, un sacre mondial chez les grands (21-12, 21-19). Dans une discipline où la Chine a tardé à rebondir après l'ère Cai/Fu au début de la décennie, Li Junhui et Liu Yuchen succèdent à leurs coéquipiers Zhang Nan et Liu Cheng. Comme lors de la dernière Thomas Cup, la Chine a sauvé les meubles devant le Japon. Pour encore combien de temps ?
Les résultats des Championnats du Monde 2018 ICI
ldugois
Le 05/08/2018 Ã 18h46 (0)FTLC
Le 05/08/2018 Ã 19h57 (0)