JO 2020 : Interview de Maxime Michel

Publiée par Thibault Breton le vendredi 25 juin 2021 à 12:00
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Crédit photo : Badmania / FFBaD

Si les Jeux Olympiques sont le rendez-vous d'une carrière de joueur, il n'en est pas moins pour les entraîneurs. A Tokyo, Maxime Michel coachera Xuefei. A quelques semaines de s'envoler vers le pays du Soleil-levant, il nous partage sa vision de l'entraînement et les détails de la rééducation de Xuefei.

"Sans cette opération, elle n'aurait pas pu participer aux Jeux"


Bonjour Maxime, peux-tu te présenter, quel est ton parcours dans le monde du badminton ?

J'ai d'abord été joueur, je viens du club de Salbris dans le Loir-et-Cher, je suis ensuite passé par le CREPS de Bourges avant de faire 4-5 ans à l'INSEP. Après ma carrière de joueur, je suis devenu préparateur physique puis entraîneur, cela fait maintenant 3 ans que je suis responsable des simples à l'INSEP.

Tu entraînes quotidiennement Xuefei à l'INSEP, comment se passe sa préparation ? Quels sont les principaux axes de travail ?

Xuefei s'est fait opérer du genou il y a 7 semaines, sans cette opération elle n'aurait pas pu participer aux Jeux. Actuellement, elle est sur la fin de sa rééducation, elle a repris très progressivement le badminton il y a trois semaines, juste taper le volant sans bouger. Il y a deux semaines on a réintégré les déplacements dans l'entraînement, mais sans incertitude et depuis la semaine dernière on remet de l'incertitude dans les séances.

Dès le départ dans la décision de cette opération, on était conscient que l'on s'engageait sur une préparation quadrillée à la semaine prêt. Aujourd'hui Xuefei est dans les temps, elle sera suffisamment préparée pour arriver à Tokyo en étant compétitive, mais compte tenu de cette opération elle ne sera certainement pas dans la forme de sa vie. Tout le monde fait son maximum pour qu'elle se rapproche le plus possible de son meilleur niveau.

Xuefei est issue d'une culture du badminton chinoise bien différente de la nôtre, as-tu adapté ton approche d'entraînement avec cette joueuse ?

Jusqu'à fin décembre, c'était mon adjoint Zhou Junling qui était son référent. Il la suivait en compétition et s'occupait de ses entraînements individuels, Xuefei suivait également les séances collectives dont j'ai la charge. Quand j'ai repris sa préparation en totalité, j'ai fait appel au service psychologie ergonomique de l'INSEP pour que l'on puisse faciliter la communication entre joueuse et entraîneur. Même si Xuefei parle français, je n'échange pas avec elle de la même manière qu'avec les autres joueurs. C'était essentiel que l'on soit sur la même longueur d'onde en termes de communication, que ce soit par la parole ou par les gestes.

La culture chinoise du badminton de Xuefei a ses atouts et ses faiblesses, tout comme la culture française. Le but est de garder uniquement les points forts de ces deux cultures, c'est une vraie chance pour une joueuse que de connaître différentes approches de l'entraînement. Mon objectif était de réussir à lui ouvrir l'esprit sur d'autres manières de percevoir le badminton, que ce soit la préparation des matchs, la tactique ou la gestion du stress. L'enjeu était de lui faire prendre conscience qu'elle était parfois ancrée sur des représentations obsolètes du badminton.

En termes de jeu, quels sont ses points forts et ses axes de progression ?

Elle a une vraie capacité à ne pas faire de fautes, c'est une joueuse très régulière avec une technique simple mais efficace. Elle met le volant où elle veut et cela dans la durée. Lorsqu'on fait des tests de précision à l'INSEP ce n'est pas rare qu'elle soit la plus précise, femmes et hommes confondus. C'est aussi une joueuse très intelligente sur le terrain, qui comprend bien le rapport de force avec son adversaire. Là où elle doit progresser, c'est dans sa capacité à finir plus fort ses frappes, pouvoir fixer davantage et avoir des volants qui sortent plus vite de sa raquette. C'est la grosse différence entre elle et les tops joueuses. Ses coups ne les surprennent pas, ce qui ne lui permet pas de dominer les échanges. En dehors du jeu pur, elle a également une marge de progression au niveau de son cardio.

Comment juges-tu sa première partie de saison ?

Malheureusement à cause de son genou elle n'a pas pu réellement défendre ses chances. En plus de ça, elle a eu des tableaux très difficiles en jouant deux fois contre Carolina Marin en l'espace de deux semaines. On ne pouvait pas du tout se projeter à cause de sa blessure, un jour ça allait, le suivant non, donc c'est assez difficile de juger sa première partie de saison. Elle ne pouvait pas être libérée dans sa façon de jouer. Soit elle devait être opérée, soit elle renonçait aux Jeux Olympiques en mettant fin à sa carrière.

Des objectifs de performances sont-ils fixés à Xuefei ?

Cela va dépendre de son groupe, mais sortir de poule est le principal objectif pour pouvoir ensuite défendre ses chances contre des tops joueuses. Pour l'instant, elle n'en a jamais battu, elle a plusieurs fois rivalisé en adoptant le bon style de jeu. Elle l'a dit elle-même, aux Jeux tout est possible donc ça serait le meilleur moment pour réaliser cette performance.


"Mon objectif est d'aller jusqu'à Paris 2024"


On sait que Brice Leverdez s'entraîne hors structures fédérales, à Tokyo, seras-tu sur la chaise de coach ?

S'il me le demande oui. Je pense qu'il préférera être seul et je respecte totalement cette décision. Je ne l'entraîne pas au quotidien et le coaching est quelque chose qui se travaille dans le temps. Cela demande une certaine confiance entre le joueur et le coach, être sur la même longueur d'onde. Je comprendrais parfaitement que Brice préfère s'en remettre à ses propres compétences d'intelligence de jeu que de m'avoir sur la chaise de coach sachant que l'on ne travaille pas ensemble, hormis lors des compétitions par équipes.

Tu as également une formation dans la préparation physique, quelle importance accordes-tu au travail de musculation pour les badistes de haut niveau ?

C'est indispensable. Sur le terrain les joueurs font constamment des mouvements de musculation spécifique au badminton, que ce soit des fentes, des sauts ou de la pliométrie. Le travail de musculation en salle est nécessaire pour la progression et permet d'optimiser les performances des joueurs, parfois même de corriger des mouvements. La fente est par exemple un mouvement omniprésent au badminton, le fait de pouvoir mettre de la charge va renforcer le joueur mais aussi lui permettre d'adopter la meilleure posture possible.

Comment juges-tu l'importance de l'analyse de l'adversaire avant un match ?

C'est essentiel, même obligatoire. L'analyse vidéo permet au joueur d'arriver sur le terrain avec des informations déterminantes. On peut prévoir le style de jeu à adopter en fonction de l'adversaire, savoir comment servir, quel retour de service adopter, de quel côté lever le volant. Très souvent les joueurs ont un côté fond de court où ils vont être moins performant, proposer moins de variation, prendre les volants moins tôt. Tous ces éléments sont à connaître, ne pas le faire c'est partir avec un handicap sans même avoir commencé le match, aujourd'hui tous les meilleurs le font.

Quels sont tes projets post Tokyo 2021 ?

Mon objectif est d'aller jusqu'à Paris 2024. Une fois cette échéance passée je ferais un point, d'abord sur mes envies personnelles. Le métier d'entraîneur est très exigeant, je me fixe des objectifs ambitieux qui ne sont pas compatibles avec une vie de famille. Cela dépendra aussi des résultats, s'ils sont ou non à la hauteur de mes attentes, également du souhait de la fédération de me conserver ou non.

Merci Maxime pour ta disponibilité, bon courage pour les Jeux Olympiques et à bientôt.



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  • zeugma
    Le 25/06/2021 à 19h28 (0)
    Cette nouvelle génération d'entraîneur fait du bien. Tout comme les nouveaux cadres. Enfin c'est un doux espoir, on espère voir des résultats pour 2024