IFB 2016 : L.Corvée - ''Une pression positive''

Publiée par Ivan Cappelli le mercredi 19 octobre 2016 à 18:23
Lucas C.
Crédit photo : Badmania.fr

Démarrée sur les chapeaux de roues en détrônant l'octuple champion de France Brice Leverdez, jalonnée par de grands moments du badminton français, l'année 2016 de Lucas Corvée marquera quoiqu'il arrive un tournant dans sa jeune carrière. À 23 ans, l'Alençonnais continue de grandir à son rythme, entre quête de constance et ambition. De quoi préparer avec appétit les IFB 2016, avec l'espoir assumé de briller à Coubertin. Entretien avec l'un des fers de lance du simple hommes français à 6 jours du début du tournoi parisien.

''Ne pas perdre d'énergie hors du court''

Tu sors d’un mois plutôt convaincant, avec notamment ton premier titre International Challenge après un beau parcours en Belgique. J’imagine que les sensations sont là ?

Oui plutôt ! J’ai choisi de me retirer du Denmark Open pour pouvoir me reposer. Je viens d’avoir la confirmation que j’intégrai les qualifications des IFB 2016, ça va me permettre d’arriver frais. Durant la saison, j’ai souvent des alternances de périodes fortes et moins fortes. Je sais que je joue mieux après l’été et entre Février et Avril. Mais l’important est de réussir à enchaîner maintenant.

Comment expliques-tu ces écarts de forme durant toute la saison ?

Essentiellement par une baisse de la motivation, de l’envie. Je sais malheureusement que je gagne très peu de matchs en Novembre-Décembre. Je traverse probablement un pic de fatigue à ce moment-là. Ça me fait tomber dans une spirale négative, d’où le manque de résultats.

Tu rentres donc dans le tableau qualificatif des IFB. Arrives-tu à tirer de la motivation dans le fait de jouer à domicile, ou est-ce au contraire plus stressant ?

Moi j’adore ! Je trouve ça top d’évoluer devant un public qui te soutient. Ça me met une pression positive, j’arrive avec un regain de motivation et d’envie lorsque j’évolue en France. D’un autre côté l’an dernier, je n’ai pas très bien joué (défaite sèche face à Kenta Nishimoto) ! Mais c’est sûr qu’il faut que j’arrive à me servir de cette pression positivement. C’est cette espèce d’attente de tout le public qui n’est pas facile à gérer. On gaspille beaucoup d’énergie avec les sollicitations de toute part, on rencontre du monde que l’on connaît ... c’est important de ne pas perdre trop d’énergie hors du court.

C’est aussi pour ça que j’ai fait l’impasse sur le Danemark, pour récupérer d’un long enchaînement de compétitions, avec beaucoup de matchs à chaque fois. Sans parler d’objectif, je veux arriver le plus en forme possible et jouer à mon meilleur niveau à Paris. C’est un ensemble de tout : forme, entraînement, préparation ... dans tous les cas, ce sera des matchs difficiles. Mais c’est la première fois cette année que j’arriverai à Coubertin avec 10 jours d’entraînement : on va voir ce que ça donne !



Lucas C.
Crédit photo : Badmania.fr

''Essayer d'être un peu plus méchant''

Cette année, tu arrives avec le statut de champion de France en titre, après avoir détrôné Brice en demi-finale. Est-ce que ça a constitué un virage dans ta carrière, ou un moment délicat à gérer ?

C’est plus facile d’en parler 8-9 mois plus tard … On me l’a beaucoup demandé immédiatement après pourtant ! Difficile de dire si ça a vraiment changé quelque chose. Par moments tout va bien, d’autres fois c’est dur de gagner. Avec le recul, j’estime avoir fait une très bonne fin de saison 2015/2016, et un bon début de saison 2016/2017. Depuis ce titre national, je n’ai pas vraiment eu de période creuse, je sens que je progresse. Les résultats sont là, et je suis satisfait de la direction que mon jeu prend.

Au bout du compte, cela a forcément un impact positif. Consciemment, j’aurais du mal à dire ce qui a changé. Ça m’a donné plus envie d’aller chercher des titres majeurs et d’intégrer plus durablement le circuit Super Series. Aller chercher des titres internationaux, des médailles européennes comme je l’ai fait par équipes cette année (championnats d’Europe des clubs avec l’IMBC92, médaillé d’agent à Kazan avec l’équipe de France masculine).

Au final, ça m’a surtout prouvé que j’étais capable d’aller bout des tournois, alors que je m’étais souvent raté en finale avant. Ça m’a aidé pour gagner en Belgique, où j’ai pu maintenir un bon niveau sur l’ensemble d’un tournoi.

Tu as plutôt la réputation d’un joueur sympa sur et en dehors du court, à tel point que l'on entend dire que tu es trop gentil sur le terrain. Est-ce que tu partages cette vision des choses ?

(Rires) C’est vrai que je l’entend souvent ! J’ai conscience que c’est comme ça que les gens me voient, je ne sais pas si c’est vrai. C’est forcément à la fois flatteur … mais ça m’énerve un peu ! Ce n’est pas bien d’être trop gentil sur le court. Le fait que les gens le disent, cela veut probablement dire qu’il y a une part de vérité … J’essaie d’être un peu plus méchant, agressif dans le jeu et la façon d’approcher les matchs. Mais les entraîneurs n’essaient pas de me changer.

De toute façon, je ne serai jamais hyper-excentrique sur un terrain. C’est vrai qu’on a essayé de me changer dans le passé, mais ce n’est pas la bonne solution. J’apprends encore à me connaître, à découvrir de nouvelles facettes sur le terrain et en dehors. Tout le monde évolue, on verra ...

Comment se passe la concurrence en interne à l’INSEP ? Est-ce que tu compares ton parcours à ceux de tes partenaires d’entraînements comme Lucas (Claerbout) ou Thomas (Rouxel) ?

Nous avons chacun un projet bien défini. C’est une force d’être 4 joueurs de simple dans le top 80 à l’entraînement. C’est vrai qu’on est en concurrence, mais une concurrence très saine. On est super potes dans la vie, alors que dans d’autres pays, on voit que cette concurrence est néfaste pour le groupe en interne. C’est une bonne émulation, notre niveau homogène nous pousse à se tirer mutuellement vers le haut, y compris les plus jeunes. Tout seul, c’est plus dur de progresser !



Lucas C.
Crédit photo : Badmania.fr

''Intégrer le top 16 d'ici Tokyo 2020''

Depuis un an et demi, tout le monde vous questionne sans arrêt sur le fameux effet Gade que tous les fans de badminton français espèrent. Quels changements as-tu observé depuis son intronisation au printemps dernier ?

Encore une fois, c’est beaucoup plus simple d’en parler après 1 an et demi de collaboration ! Pour revenir en arrière : les débuts sont toujours un peu compliqués après un changement de staff. Il faut rappeler que nous avions déjà mis un beau projet en place avec les précédents coachs. Ce fut une période un peu délicate à gérer. Peter (Gade) a lui aussi eu besoin de s’adapter à la culture française, au groupe. Cette relation n’était pas forcément évidente au début.

Encore une fois, début 2016, nos relations se sont énormément améliorées avec Peter. Depuis le début d’année, on avance tous les 2 dans la même direction. Une confiance, une compréhension mutuelle règne, et mon jeu prend la bonne direction grâce à cette relation positive avec les entraîneurs.

Est-ce que le double hommes te manque parfois ? Estimes-tu que cela t’as apporté quelque chose dans la construction de ton jeu de simple ?

C’était le but de cette expérience : travailler d’autres facettes de mon jeu. Brice (Leverdez) et moi étions tous les deux des joueurs de simple avec de bonnes qualités de joueurs de double. Nous nous amusions autant que nous voulions aller chercher des résultats ! Ça m’a apporté beaucoup pour le jeu de simple. Après un an et demi on a arrêté, en partie sur décision du staff, mais c’était pour le mieux car on sentait que cela devenait trop usant de passer plusieurs tours dans deux tableaux à la fois.

Tu évoluais justement avec Brice Leverdez, un joueur qu’on a souvent présenté un peu comme ton mentor en équipe de France, dont la situation est aujourd’hui assez inédite. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette situation ?

C’est sûr que je préférais quand il était la. J’ai beaucoup de respect pour lui, je n’en serais pas la si il n'avait pas été là lors des dernières années. Il m’a énormément tiré vers le haut. Maintenant, il a fait ses choix, il faut les respecter. Moi j’ai réussi à m’émanciper. C’est dommage qu’il ne soit plus là, maintenant ça n’enlève rien à ce que je lui dois.

Tu as 23 ans, et ta marge de progression semble encore conséquente. Si tu devais te projeter dans 4 ans, dans quelle situation verrais-tu ta carrière ?

Je n’aime pas voir aussi loin car tout peut se passer. Mon principal objectif serait d’intégrer durablement le circuit Super Series sous 2 ans. Pour être totalement transparent, mon plan de carrière serait d’arriver top 40 aux championnats d'Europe en Avril, puis derrière d’intégrer le Top 30 mondial et le circuit Super Series. Après, bien sûr que Tokyo est en ligne de mire. Dans l’évolution idéale des choses, le top serait d’être Top 16, donc tête de série à Tokyo, et pourquoi pas de rêver à un résultat. Mais je préfère d’abord prendre tournoi après tournoi.

Une question audacieuse pour finir : si je te demandais le nom du premier ou de la première joueuse française qui remportera les IFB, sur qui miserais-tu ?

On ne m’avait jamais posé cette question encore (il réfléchit) : je dirais … Lucas Corvée !

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  • FransV
    Le 20/10/2016 à 2h00 (0)
    Sympa cette ITV.
    Il y a de la lucidité.
    Top30, c'est très envisageable, le top 16, hum !
    Il y a trop de joueurs de sa génération, voir des plus jeunes ou pas qui restent au dessus.

    Après, être sur le circuit des superseries, même sans faire de grosse perf, avec un bon tirage, ça rapporte gros !
    ...exp. Boonsak Ponsana qui fait plus rien depuis 2ans et est toujours Top30 et au 1er tour des superseries.

    Donc un bon mélange GPG/SS, serait un bon plan de carrière.

    D'ici Tokyo, pas oublier TJ Popov ;)

  • Ivan Cappelli
    Le 20/10/2016 à 8h09 (0)
    Si tu ne crois pas en tes capacités d'être top 16 de ton sport un jour, je pense que tu ne fais pas de carrière professionnelle FransV :) L'exemple de Brice nous montre que, même dans sans être favori et dans un tableau ultra-concurrentiel comme le simple hommes, celui qui croit vraiment en ses capacités et travaille en conséquence peut être récompensé :)
  • FransV
    Le 20/10/2016 à 21h52 (0)
    Y croire c'est une chose, l'annoncer en est une autre.
    Brice Leverdez est à part, car avec 8 titres de champion de France à la clé, il est claire qu'il avait plus de talent, d'envie et de professionnalisme* que les autres.
    *Je pense à Matthieu Lo Ying Ping.