NATIONAUX 2015 : Brice Leverdez, histoire d'un règne

Publiée par Ivan Cappelli le lundi 26 janvier 2015 à 18:13

Brice

Inarrêtable. Au sommet du Badminton français depuis 2008, Brice Leverdez entame à 28 ans la conquête de sa huitième couronne de rang. Une longévité hors-norme pour le meilleur badiste tricolore de l'histoire qui, en cas de succès Dimanche 1er Février à Aire-sur-la-Lys, pourra se targuer d'avoir conservé sa couronne durant deux cycles olympiques complets.

Le résultat d'un travail acharné pour le Francilien, de sa prise de pouvoir à Saint-Louis à son statut d'icône aujourd'hui.

2008 (Saint-Louis) : Symbole de la nouvelle génération

Au milieu de l'hiver alsacien de 2008, la course à la qualification olympique parvient à son terme. En simple hommes, le double tenant du titre Simon Maunoury est au coude-à-coude avec le héros local Erwin Kehlhoffner, et un jeune aux dents longues de 21 ans nommé ... Brice Leverdez.

Le natif de La Garenne-Colombes affiche un parcours atypique. Pas tout à fait le stéréotype du golden boy précoce à la Axelsen ou Gade. Souvent placé mais jamais gagnant chez les espoirs (un seul titre dans la catégorie juniors, en double hommes), le protégé de Bertrand Gallet rattrape le temps perdu. Lui et son compère de la génération 86 Matthieu Lo Ying Ping ont déjà montré les crocs en 2007 à Villeneuve d'Ascq. Tous deux chutaient alors face au tenant du titre Maunoury.



Après avoir battu successivement Plançon, Mora, puis Bourbon, Brice Leverdez retente sa chance en demi-finale face au roi Simon. 21-16, 21-18. En deux petites manches, le jeune vassal renverse son suzerain. Et entre pour la première en finale des championnats de France face à Erwin Kehlhoffner, déjà triple vice-champion de France lors des quatre dernières éditions.

Au bord de la victoire, l'Alsacien ne brisera finalement jamais la malédiction (20-22, 22-20, 21-11). Il participe alors sans le savoir à un début de règne sans partage du jeune cristolien. Kehlhoffner se consolera quelques mois plus tard avec le précieux sésame pour les Jeux Olympiques de Pékin 2008 (1/8ème de finaliste). Pour Leverdez, c'est la découverte d'un statut de numéro 1 français qui ne le quittera plus.

Brice

2009 (Bourgoin-Jallieu) : Sans rival

Pour sa première dans la peau de l'Homme à abattre, Brice Leverdez se rend dans l'Isère armé d'une certaine sérénité. Kehlhoffner et Lasmari en retraite, Lo Ying Ping et Maunoury blessés : la voie est libre pour le nouveau leader du simple hommes.

Le nouvel homme fort du clan tricolore arrive pourtant légèrement affaibli sur le tournoi après une sortie internationale difficile en Suède. Mais de plus en plus sûr de sa force, le Cristolien vivra ses championnats de France les plus maîtrisés en ne concédant pas un seul set du tournoi. Il prend la mesure tour-à-tour de Fuchs, Krawczyk, Cazau et Mora pour rejoindre en finale la coqueluche de l'édition 2009, le Junior Alexandre Françoise.



Signe de cette confiance : une déclaration pleine d'assurance au micro de Badzine à l'issue des demi-finales. Alors que Françoise avait estimé plus tôt leurs chances de victoire à 50/50, Leverdez est invité à réagir à ce propos. Réaction sans équivoque de l'intéressé : "50/50 ? Il est optimiste ! Je dirais plutôt 70/30 !"

De l'assurance certes pour un joueur ambitieux, mais pas des paroles en l'air. Le lendemain, Brice conserve sa couronne en 27 minutes (21-16, 21-9) et confirme sa prise de pouvoir sur le simple hommes national.

2010 à 2012 : Lo Ying Ping, son meilleur ennemi

Frères d'armes de la génération 1986, amis dans la vie, Brice Leverdez et Matthieu Lo Ying Ping sont surtout devenus les grands rivaux de ce début de décennie sur la scène nationale. Petit prince de sa génération, "MLYP" a longtemps été annoncé comme le futur big boss de l'hexagone. Un crack au style flamboyant, aimé du public autant pour son talent que pour ses fantaisies.

Longtemps dans l'ombre de son compère (Lo Ying Ping aura été même été le 1er à atteindre la finale des championnats de France en 2007), Brice Leverdez a su lui attendre son heure. Une célèbre citation anglaise affirme qu'"un dur entraînement surpasse le talent quand le talent ne s'entraîne pas dur". Le Cristolien s'est pleinement approprié de ce dicton, imposant chez les seniors une suprématie sans précédent.

MLYP

2010 (Caen) : La passe de trois

Bien aidé par le rayonnement exceptionnel de Pi Hongyan sur le badminton français (apte à lui retirer une partie de la pression de ce statut), Brice Leverdez continue d'apprendre à gérer ce difficile métier de leader du simple hommes. 2010 signifie pour le badminton français les Mondiaux à Paris. Avec évidemment une pression supplémentaire sur les épaules des têtes d'affiches tricolores, Brice et Hongyan en tête.

Et quel meilleur moyen d'affirmer son autorité pour le numéro 1 que de battre son dauphin lors des grandes occasions ? Pour la première fois à Caen, c'était écrit : Brice Leverdez et Matthieu Lo Ying Ping allaient se défier pour la couronne nationale. Et un départ très laborieux face à un Najmeddine Sahbani accrocheur (23-21, 16-21, 21-17) donne l'illusion d'un tenant du titre qui vacille. Augurant croit-on alors d'un duel au sommet pour le titre national entre les deux jeunes patrons de l'INSEP.

Leverdez rassure ensuite face successivement à Bourbon, Rouxel, et surtout Maunoury, tous trois vaincus en 2 manches sèches. Mais en bas de tableau, Lo Ying Ping ne perd pas de temps. 22 petits points concédés par match en moyenne et un sentiment d'assurance émanant du Saint-Brunosien : le challenger remporte la bataille des chiffres avant celle du terrain.

Le 4ème titre de rang de Brice Leverdez avec une maestria incontestable (21-11, 21-10) n'en devient alors que plus déroutante. Le grand public prend alors pleinement conscience de l'ascendant psychologique pris par Leverdez sur son meilleur ennemi. Leur proximité d'alors au classement international n'y change rien : entre les deux compères, la balance des pouvoirs a définitivement changé chez les seniors.

Brice

2011 (Amiens) : Les années se suivent ...

À quelques mois du début de la qualification olympique pour Londres, deuxième acte de la trilogie Leverdez - Lo Ying Ping en Picardie. La progression linéaire à l'international de Brice contraste alors avec les fulgurances de Matthieu, capable du meilleur comme du pire. Mais les deux peuvent encore légitimement envisager de participer au plus grand tournoi de badminton international.

De plus en plus seuls au sommet de la hiérarchie nationale, les deux amis et rivaux ont alors distancé un Simon Maunoury en fin de carrière internationale. L'ancien double vainqueur de la compétition s'inclinera en quarts de finale au terme d'un match houleux face à un Sylvain Ternon en grande forme.

Le Normand restera par ailleurs comme le grand agitateur du tournoi. Car après avoir dominé nettement François, Eudeline et Michel, c'est face à lui que le triple tenant du titre tremblera pendant près d'une heure. Si l'histoire ne retiendra que le score (20-22, 21-7, 21-15), le numéro 1 français se souviendra lui longtemps de ce match délicat où il a été mené 15-13 dans la manche décisive.



Pour le reste, rien n'a changé en un an. Toujours aussi impeccable dans sa partie basse de tableau, Matthieu Lo Ying Ping déroule jusqu'à la finale, écartant un encore tout jeune Lucas Claerbout en demi-finale. Et tout comme l'année précédente, le Saint-Brunosien ne peut rien en finale face à sa bête noire (21-10, 21-16). Le ton de la qualification olympique est donné. La balance des pouvoirs elle, reste inchangée.

2012 (Montauban) : À nos actes manqués

Changement d'ambiance en 2012. Auteur d'un doublé mémorable Ukraine - Belgique sur la scène internationale (Septembre 2011), Brice Leverdez a changé de dimension, s'approchant du Top 25 mondial. Avec une Pi Hongyan souvent blessée et en fin de carrière, le Parisien assume avec de plus en plus d’autonomie le rôle de patron.

Pour Matthieu Lo Ying Ping, les temps sont difficiles. Encore dans la course à l'été 2011, la qualification olympique s'était déjà éloignée alors que près de 30 places séparent Brice (31ème au 25 Janvier 2012) de son dauphin (64ème).

2012 restera cependant comme une année charnière. La dernière où la jeunesse prometteuse du simple hommes tricolore (Rouxel, Claerbout, Corvée) et les outsiders du Top 10 s’entre-tueront derrière le tandem Leverdez - Lo Ying Ping.

Brice

Après avoir aisément éliminé Bernabé, puis Kersaudy, Brice Leverdez vacille encore une fois sur Sylvain Ternon mais demeure insubmersible (14-21, 21-16, 21-10). Plus serein face à Maxime Michel en demi-finale, il retrouve donc pour la dernière fois Matthieu Lo Ying Ping au bout de sa route. Pour un match dont l'issue aurait peut-être pu changer le visage du simple hommes français post-2012.

Pendant une majeure partie du 1er set, le scénario semble se répéter, immuable. Puis tout bascule dans la folie pendant quelques minutes : largement dominé à 19-11 au 1er set, Lo Ying Ping se rebelle pour la première fois en 3 ans. À l'orgueil, il inscrit une invraisemblable série de 8 points de rang et pousse son rival dans les prolongations.

Qui peut dire aujourd'hui quel aurait été le destin des deux badistes si Matthieu Lo Ying Ping était parvenu à briser la malédiction ce jour-là à Montauban ? Personne ne le saura jamais. Car malgré 3 volants de set en sa faveur, le Bordelais ne parviendra jamais à amener à terme son effort de rébellion. En emportant le set, Brice Leverdez éteint son rival pour la dernière fois (25-23, 21-13). Sa cinquième couronne sera la dernière acquise en finale au détriment de son meilleur ennemi.

Brice

2013 (Saint-Brieuc) : Le grain de folie Lucas Corvée

Après son épopée olympique à Londres, Leverdez connaît un début de saison 2012/2013 plus délicat. Le Cristolien garde cependant un temps d'avance sur la jeune génération en pleine éclosion. Pour Matthieu Lo Ying Ping, les choses ont changé. Moins concerné par sa carrière de joueur de simple - voir de badiste -, le futur néo-aulnaisien aborde la compétition avec un statut de tête de série 3/4.

La conséquence est inéluctable : après avoir logiquement écarté Turlan, Blondeau et Bebin, le 4ème opus de leurs confrontations a cette fois lieu en demi-finale. Sans vraiment trembler, le numéro 1 français rejoint sa 6ème de rang (21-16, 21-15) et un adversaire inédit, Lucas Corvée.

Très en vue durant toute sa carrière chez les espoirs, le jeune international est la révélation de cette édition. L'Alençonnais élimine sur sa route deux anciens médaillés (Maxime Michel et Lucas Claerbout) et débarque avec l'audace de ses 19 printemps.



La dernière fois que le quintuple tenant du titre avait affronté un jeunot en finale, l'aventure s'était montée plutôt expéditive. Mais a contrario d'Alexandre Françoise, Lucas Corvée ne s'en laisse pas compter. Au terme d'une passe d'armes incroyable, le cadet prend le 1er set devant un public breton incrédule (29-27).

Mais Brice Leverdez aime la confrontation, et se révèle souvent meilleur dans l'adversité. La tension du 1er set retombée, Brice Leverdez prend les commandes et ne les lâchera plus. Même secoué, la couronne tient bon pour la 6ème année de rang sur la tête du protégé de Bertrand Gallet (27-29, 21-12, 21-12).

Coïncidence ? Deux mois après leur superbe duel de Saint-Brieuc, les deux hommes initieront une collaboration toujours en cours aujourd'hui en double hommes. D'abord surprenante, l'association a prouvé au fil des saisons sa crédibilité avec plusieurs finales internationales et des victoires de prestige.

Brice

2014 (Cholet) : La plus éprouvante

De simple leader, Brice Leverdez est devenu à 27 ans la locomotive d'un groupe France gorgé de talents. Aspirés dans son sillage, Lucas Corvée, Lucas Claerbout, et Thomas Rouxel prétendent tous trois à challenger le patron de l'INSEP. Les deux derniers peuvent surtout légitimement espérer profiter d'un nouveau paramètre en leur faveur : l'inédite double inscription du numéro 1 français en simple et en doubles avec Lucas Corvée.

En bon joueur d'expérience, le Parisien fait le nécessaire pour économiser un maximum d'énergie. Expéditif tour-à-tour face à Puyo, Bebin (qu'il affronte pour la 3ème fois en trois éditions) et au revenant Kehlhoffner, Leverdez réussit à économiser son énergie jusqu'à la moitié des Nationaux 2014.

Mais dès les quarts de finale du double hommes, les choses se corsent. Ce sont d'abord les frères Vincent qui parviennent à pousser le duo Corvée/Leverdez dans ses derniers retranchements en quarts de finale (10-21, 21-14, 21-18). Le début d'une épreuve d'endurance sans précédent pour le numéro 1 français.

Brice

Un Thomas Rouxel qui n'avait jamais été aussi fort sur un championnat de France attend Brice Leverdez en demi-finale. Plus conquérant, le Breton avait annoncé la veille vouloir faire tomber son leader lors de leur duel en demie. Dont acte ! Pendant près d'une heure, le numéro 3 français mène la vie dure à son meneur. Mais même chahuté comme rarement il l'avait été depuis son titre de Saint-Louis, Brice garde la tête hors de l'eau au métier (14-21, 21-12, 21-18).

Après un succès au forceps sur Constantin/Lo Ying Ping (18-21, 21-19, 21-16), ce ne sont pas une mais deux finales qui attendent pour la première fois Brice Leverdez à Cholet. Changement de Lucas : c'est cette fois le Talençais Claerbout qui se lance à l'assaut du roc cristolien après avoir éliminé son homonyme en demi-finale. Dominateur malgré un coup de chaud en fin de premier set, Brice décroche sa 7ème et dernière couronne en date (21-19, 21-9).

Le duel en double hommes face à Carême/Labar (21-14, 23-25, 21-13) aura certes été celui de trop pour un Brice visiblement marqué pour ses 3 jours de labeur dans le Pays de la Loire. Qu'à cela ne tienne : le Parisien préserve ainsi un challenge de plus pour la suite de sa carrière.


Et maintenant ?

Bien sûr, les records de titres - 15 couronnes nationales, dont 13 consécutives - détenus par Christian Badou (obtenus entre 1960 et 1976) restent bien loin. Mais à 28 ans et alors que les meilleures années de sa carrière approchent, Brice Leverdez ne semble pas encore parvenu au bout de son règne sur le simple français.

Après être passé en 7 ans du statut de jeune aux dents longues à celui de grand patron, l'ambitieux garde une longue liste d'objectifs sur son tableau de bord. Une faim de titres qui continue à le faire avancer ... mais qui suscite également des vocations avec une densité de talents retrouvés dans son sillage.

En attendant, Brice peut composter son billet pour Aire-sur-la-Lys avec une certaine sérénité. De celle que l'on acquiert avec la force des années. Pas un volant de match concédé depuis 2008. Seulement 5 sets concédés en 7 championnats : pour faire tomber la couronne de la tête du gamin de la Garenne-Colombes, il faudra être grand !

L'actualité des championnats de France 2015 ICI

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  • rdu
    Le 26/01/2015 à 18h46 (0)
    Très beau palmarès de Brice, j'espère qu'il va continuer à faire régner son jeu autant au niveau national que international, où il ne cesse de faire de meilleurs résultats ! ;-)
  • clouny_51
    Le 03/02/2015 à 22h52 (0)
    niveau international ca va etre trop compliquer, trop irregulier, ca craque souvent mentalement au vu de ces dernier match.
    Apres niveau national y a que lucas qui peut rivaliser et c'est bien dommage